#Entrepreneurs — 08.03.2021

Hommage aux femmes entrepreneures

ARNAUD TELLIER, CEO en Asie-Pacifique, BNP Paribas Wealth Management

Le nombre de femmes qui créent des entreprises dans le monde va en augmentant. Les femmes représentent ainsi 38 % des entreprises individuelles à l’échelle mondiale[1]. En prenant le contrôle de leur vie, ces femmes ont un impact positif sur les communautés dont elles sont issues et sur l’économie des régions où elles vivent. À l’approche de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, nous tenons à rendre hommage à la montée en puissance des femmes entrepreneurs.

women entrepreneurs

Si un nombre croissant de femmes choisissent de créer leur propre entreprise, ce n’est pas sans bonnes raisons : plus grande flexibilité, besoin de vivre leurs passions et possibilité de contourner le « plafond de verre », traditionnellement perçu comme limitant la carrière des femmes. Grâce à leur esprit d’entreprise, les femmes peuvent se faire rémunérer à hauteur de leurs compétences, ce qui constitue un avantage considérable dans un monde où l’écart de rémunération entre les sexes est encore de 23 %[1]. Cet écart de rémunération augmente fortement dans de nombreux pays en développement, où les femmes créent souvent leur propre entreprise en raison des nombreux obstacles qu’elles rencontrent pour accéder au marché du travail officiel.

Au nombre des Objectifs de développement durable des Nations Unies figure celui d’un travail décent pour tous. Le fait est, cependant, qu’en 2020, moins de la moitié des femmes (46,9 %) étaient actives, contre 51 % en 1990[2]. La pandémie de Covid-19 a aggravé les inégalités existantes, en particulier dans les pays en développement. Des millions de femmes ont perdu leur emploi ou ont été mises à pied au cours de l’année écoulée et, selon une récente étude menée par McKinsey, une femme sur quatre dans les pays développés envisagerait de « revoir à la baisse ses ambitions » de carrière en quittant son poste dans l’entreprise, pour tenter essentiellement de retrouver un équilibre entre responsabilités familiales et carrière[3]. Dans ce contexte préoccupant, le développement de l’entrepreneuriat féminin constitue un atout majeur pour tendre vers une plus grande égalité entre les sexes et permettre aux femmes d’avoir un travail décent.

Arguments en faveur de l’entrepreneuriat féminin

Donner toute latitude aux femmes de travailler a de nombreux avantages, parmi lesquels celui de leur permettre d’être indépendantes financièrement. En termes économiques, cette autonomie favorise la productivité et stimule la croissance. On estime en effet qu’une augmentation de 25 % de la part des femmes dans la population active mondiale d’ici 2025 pourrait accroître le PIB mondial de 5 300 milliards de dollars US.

Rien qu’aux États-Unis, le nombre d’entreprises détenues par des femmes a augmenté de 21 % entre 2014 et 2019, et généré plus de 1 900 milliards de dollars de recettes annuelles[5].

Selon le Global Entrepreneurship Monitor, les femmes sont plus enclines à travailler pour assurer la réussite financière de leur entreprise qu’à la vendre pour réaliser un bénéfice. Elles sont plus susceptibles de réinvestir leurs bénéfices dans leur entreprise et moins susceptibles d’échouer : le taux moyen de cessation d’activité des femmes à l’échelle mondiale est inférieur d’environ 10 % à celui enregistré pour les hommes[6].


Préjugés et obstacles

Les femmes entrepreneurs sont cependant confrontées à de réels handicaps en tant que chefs d’entreprise. Les raisons sont multiples : préjugés existants, au nombre desquels les biais culturels concernant les rôles des hommes et des femmes et la présence de femmes aux postes de direction, manque d’éducation et de compétences, réseaux d’entreprises ayant tendance à cibler les hommes, image des entrepreneurs dans les médias et disponibilité de structures et de soutien institutionnels et réglementaires.

Mais le problème numéro un des femmes entrepreneurs est leur accès limité au financement. Rien qu’aux États-Unis, seuls 2,3 % des fonds de capital-risque sont allés à des femmes chefs d’entreprise en 2020[7]. Plusieurs facteurs entrent en jeu : les investisseurs en capital-risque ont tendance à investir dans des start-ups dirigées par des personnes venues d’horizons similaires. Des études menées par Women in VC montrent que seulement 5,6 % des sociétés américaines de capital-risque sont dirigées par des femmes et que seulement 4,9 % des partenaires de capital-risque sont des femmes[8]. Une autre enquête suggère que les femmes peuvent avoir besoin de preuves de concept plus solides que leurs homologues masculins pour convaincre les sociétés de capital-risque d’investir[9]. Cependant, les femmes peuvent également être sujettes à leurs propres préjugés et sont plus susceptibles de se retirer du marché du crédit, convaincues que leurs demandes seront rejetées[10]. En conséquence, les femmes ont tendance à construire leurs entreprises en s’appuyant sur leurs finances personnelles ou leurs bénéfices d’exploitation, ce qui peut limiter la croissance.

Des réseaux plus forts

Les communautés peuvent soutenir les femmes entrepreneurs de nombreuses manières. Elles peuvent notamment les encourager à envisager différentes sources de financement qui peuvent favoriser la croissance de leur activité tout en maintenant leur participation au capital. L’essor du crowdfunding offre également de nouvelles opportunités. Un récent rapport de PWC a révélé qu’à l’échelle mondiale, les femmes sont 32 % de plus à atteindre leurs objectifs de financement[11].

Les sociétés de capital-risque (CR) pourraient nommer davantage de femmes, qui seraient plus susceptibles d’investir dans des entreprises dirigées par des femmes. Elles pourraient également se détourner des « licornes », généralement des start-ups technologiques dirigées par des hommes, pour s’orienter vers des « zèbres », à savoir des entreprises qui ont un impact social en plus de leur rendement financier. Ces zèbres sont moins susceptibles d’échouer, ce qui réduit la volatilité des portefeuilles d’investissement globaux[12]. De plus, 45 % des entrepreneurs sociaux dans le monde sont des femmes, ce qui signifie que les femmes sont plus susceptibles de diriger ce type d’entreprise[13]


Les ONG comme la Women’s Entrepreneurship Day Organisation ont également un rôle énorme à jouer dans l’autonomisation, la célébration et le soutien apporté aux femmes entrepreneurs. En plus de fêter la Journée officielle de l’entrepreneuriat féminin, elles peuvent promouvoir leurs réseaux mondiaux de femmes chefs d’entreprises, innovatrices et entrepreneurs pour favoriser la création de start-ups, stimuler la croissance économique et donner une impulsion aux communautés du monde entier. Elles peuvent également trouver des solutions dans des domaines essentiels de l’écosystème de l’entrepreneuriat, notamment l’éducation et la politique[14].

Modèles de référence

Les modèles de référence sont essentiels à la croissance de l’entrepreneuriat féminin. Il existe de nombreuses femmes chefs d’entreprise de haut rang dont on peut s’inspirer, et les femmes peuvent également s’entraider en créant des réseaux locaux et des programmes de tutorat. Les hommes comme les femmes peuvent bien évident apporter leur pierre à l’édifice en faisant leurs achats dans des entreprises détenues par des femmes, en finançant des femmes entrepreneurs et en intégrant des femmes à leurs réseaux.

Les gouvernements aussi ont un rôle à jouer. Singapour, par exemple, s’est lancé dans un examen complet des questions touchant les femmes afin de faire évoluer les mentalités sur la problématique de l’égalité des sexes et du respect des femmes[15]. Les gouvernements peuvent également mettre en œuvre des programmes d’accélération et d’incubation, proposer des subventions, des micro-financements et des programmes de formation qui ciblent les entreprises détenues par des femmes. Ils peuvent également encourager la participation des femmes dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM), où les femmes sont sous-représentées.

Alors que nous commençons à sortir de la pandémie, il est clair que nous devons construire des économies plus égales, plus inclusives et plus viables à long terme. Nous avons tous notre rôle à jouer pour soutenir les femmes entrepreneurs et encourager les gouvernements à mettre en place des politiques économiques et sociales qui tiennent compte de l’égalité des sexes. Cela nous permettra à tous de rebondir et de bénéficier d’une croissance plus forte, plus durable et plus équitable.

POUR EN SAVOIR PLUS ∨

[1] https://www.unwomen.org/en/what-we-do/economic-empowerment/facts-and-figures

[2] The World Bank. (2020). Labor force participation rate, female (% of female population ages 15+) (modeled ILO estimate), world [Data set]. The World Bank Databank.

[3] https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace

[4] https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---inst/documents/publication/wcms_577685.pdf p. 1

[5] The 2019 State of Women-Owned Businesses Report: Summary of Key Trends, American Express, 2019.

[6] Global Entrepreneurship Monitor 2018/2019, p. 41 https://www.gemconsortium.org/report/gem-2018-2019-global-report

[7] https://news.crunchbase.com/news/global-vc-funding-to-female-founders/#:~:text=Crunchbase%20data%20show%20that%20not,to%202.8%20percent%20in%202019.

[8] https://assets.ctfassets.net/jh572x5wd4r0/7qRourAWPj0U9R7MN5nWgy/711a6d8344bcd4fbe0f1a6dcf766a3c0/WVC_Report_-_The_Untapped_Potential_of_Women-Led_Funds.pdf

[9] https://www.forbes.com/sites/brockblake/2019/10/14/women-business-capital/?sh=637098d3173e

[10] https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/2020/03/pdf/africa-gender-gap-access-to-finance-morsy.pdf

[11] Women unbound Unleashing female entrepreneurial potential, p. 4  https://www.pwc.com/gx/en/diversity-inclusion/assets/women-unbound.pdf

[12] https://www.forbes.com/sites/geristengel/2018/04/18/how-to-increase-angel-funding-for-women-entrepreneurs/?sh=66ff12de762e

[13] Niels S. Bosma, Thomas Schøtt, Siri A. Terjesen, and Penny Kew. Global Entrepreneurship Monitor 2015 to 2016: Special Report on Social Entrepreneurship. Global Entrepreneurship Research Association, 2016. P. 21. www.gemconsortium.org

[14] https://www.womenseday.org/about-us/our-story/

[15] https://www.straitstimes.com/singapore/singapore-to-conduct-review-of-womens-issues-to-inculcate-mindset-change-for-gender