#Stratégie d'investissement — 05.06.2018

Le retour du dollar devrait être temporaire

Guy Ertz

Nous modifions notre prévision à 3 mois pour le dollar à 1,19 et prévoyons toujours un retour à 1,22 (valeur de 1 euro) sur un horizon de 12 mois.

Comment expliquer le retour récent du dollar ?

L'EUR/USD, qui avait évolué dans une fourchette entre 1,22 et 1,25 entre février et fin avril, a rapidement chuté sous 1,16 au cours des dernières semaines. Plusieurs facteurs ont mené à un raffermissement du dollar.
Premièrement, la divergence des dynamiques économiques entre les États-Unis et l'Europe a atteint des niveaux non observés depuis 2008. En effet, alors que la zone euro a connu un fort ralentissement de ses indicateurs économiques au premier trimestre 2018, l'économie américaine est restée solide. C’est particulièrement vrai à en juger par l'indice de surprise économique qui mesure la différence entre données économiques et les attentes des acteurs du marché. Le deuxième moteur clé est la hausse des rendements obligataires américains par rapport à leurs homologues allemands. En effet, si la Réserve fédérale est fermement déterminée à continuer de relever ses taux d'intérêt, la Banque centrale européenne a adopté une attitude prudente lors de sa dernière réunion en raison d'une inflation atone et d'un affaiblissement des statistiques économiques. Cela s'est traduit par une nouvelle hausse du différentiel de taux d'intérêt à 2 ans entre les États-Unis et l'Allemagne, atteignant ainsi un plus haut depuis 1989. Ce «différentiel» de taux d'intérêt en faveur du dollar a augmenté ces derniers mois, mais le déclic dans l’attention des marchés pour cet indicateur s'est probablement produit lorsque les niveaux les plus extrêmes ont été atteints. Enfin, la construction d'un consensus général sur l’affaiblissement du dollar a conduit à un positionnement court important sur l’USD (spéculation sur une baisse du dollar) qui s’est accumulé jusqu‘à récemment. Des niveaux aussi extrêmes conduisent souvent à des renversements subits, ce qui a été à nouveau le cas.
 

Potentiel haussier du dollar limité au vu des niveaux actuels.

Dans une publication précédente, nous avons soutenu que l'appréciation de l'euro était devenue auto-entretenue et que la faiblesse du dollar américain allait à l'encontre des fondamentaux économiques. Cela était particulièrement vrai en ce qui concerne la dynamique économique relative et le différentiel de taux d'intérêt, comme on l'a vu dans la section précédente. La récente vigueur du dollar a normalisé les excès et il n'y a guère de raison pour s’attendre à une nouvelle appréciation du dollar à l'exception d'une crise politique plus profonde en Italie et dans la zone euro.

En effet, en examinant les différences de dynamique économique, nous avons déjà atteint des niveaux extrêmes, mais il est peu probable que l'écart se creuse. Il y a une décélération de la tendance et nous prévoyons un effet de rattrapage dans la zone euro.

En ce qui concerne les banques centrales, nous pensons que la Réserve fédérale américaine devrait relever ses taux quatre fois au total cette année et deux fois l'an prochain. Cela amènerait le niveau du taux directeur de la Fed à 3 % d'ici la fin de l'année prochaine. La BCE ne devrait pas augmenter son taux directeur avant l'automne 2019 et, de toute façon, les augmentations seraient très progressives. En examinant le différentiel de taux d'intérêt sur la base du rendement à 2 ans, nous avons atteint des niveaux record et nos perspectives sur les la banques centrales ne suggèrent pas une nouvelle hausse des niveaux actuels. En termes d'analyse technique, l'EUR/USD est tombé en dessous de la moyenne mobile de 50- et 200-jours (voir graphique ci-dessus). Le passage à 1,155 était un test clé et ce niveau pourrait être testé à nouveau temporairement. Nous modifions notre cible à 3 mois à 1,19 (1,22 avant).
 

La perspective d’une dépréciation du dollar à moyen terme

En dehors des facteurs à court terme, plusieurs obstacles à l'appréciation du dollar devraient rester inchangés. La réforme fiscale de l'administration Trump devrait voir ses effets diminuer après 2018 et avoir un impact majeur sur le double déficit (compte courant et déficit public) et sur les niveaux de dette du gouvernement fédéral dans les trimestres à venir. À moyen terme, le principal moteur restera la parité de pouvoir d'achat (PPA). Il mesure le taux de change qui égalise le prix d'un panier représentatif de marchandises lorsqu'il est calculé en dollars. La juste valeur estimée à long terme pour un euro («parité de pouvoir d'achat» ou PPA) fournie par l'OCDE est d'environ 1,28 (sur la base des chiffres de l'Allemagne). Nous ne nous attendons pas à ce que ce niveau soit atteint dans les mois à venir, mais il est plus probable sur un horizon de plusieurs années. Nous prévoyons toujours l'EUR/USD à 1,22 sur un horizon à 12 mois.