#Immobilier — 20.01.2017

Une hausse des taux d’intérêt freinera-t-elle l’immobilier résidentiel en Europe ?

Pol Robert Tansens

Prix des logements, taux d’intérêt et inflation : quel lien ?

L’immobilier résidentiel constitue aujourd’hui une protection tangible pour les investisseurs (propriétaires-occupants ou bailleurs). Même si les prix des logements devraient plafonner à court terme dans de nombreux pays du fait de l’augmentation du coût d’emprunt, nous pensons que les valorisations devraient rester au-dessus des niveaux d’inflation. Les conditions de financement encore très intéressantes aujourd’hui (mensualités de remboursement de prêts immobiliers abordables, options de refinancement) ont été le principal moteur de préservation de  valeur ces dernières années. En réalité, les taux d’intérêt nominaux seront amenés à augmenter à moyen terme, ce qui pourrait influer sur l’état d’esprit  des investisseurs. La question est de savoir si une hausse des taux nominaux découlera d’une envolée de l’inflation.

Quelle est la corrélation  entre le prix des logements, les taux d’intérêt et l’inflation ? L’immobilier direct (commercial et résidentiel) peut permettre aux investisseurs de se prémunir contre une soudaine poussée de l’inflation. En cas de hausse des taux nominaux du fait d’une anticipation du taux d’inflation futur, les taux d’intérêt réels (ajustés en fonction de l’inflation) resteront plus ou moins stables. Si un propriétaire immobilier finance son bien à un taux plafonné avant que l’inflation ne reparte à la hausse, les coûts d’emprunt demeureront inchangés, tandis que les revenus immobiliers augmenteront. Il est certain que la protection contre l’inflation n’est  que partielle, et ce pour deux raisons : 1) il faut compter un délai de six mois ou plus entre la hausse des prix et l’indexation des loyers, et 2) les différents indices utilisés pour l’indexation des loyers ne reflètent pas toujours complètement l’inflation. En cas d’inflation, la hausse des loyers a tendance à prendre de vitesse l’augmentation de valeur. En théorie, la valeur des biens immobiliers pourrait être considérée comme une réserve infinie de revenus locatifs croissants, expliquant pourquoi les loyers s’appuient sur la hausse de l’inflation.

À court terme, une hausse des taux d’intérêt nominaux pourrait semer le trouble sur le marché immobilier, avec ou sans inflation. Ce scénario nous semble hautement probable, avec des investisseurs ne s’intéressant qu’à  l’alourdissement des charges d’emprunt. En effet, il pourrait s’écouler un certain temps avant que les investisseurs à long terme ne puissent bénéficier de l’impact de l’inflation sur la valeur des biens immobiliers.

Outre les niveaux des taux d’intérêt et d’inflation, l’évolution des marchés immobiliers dépend également d’autres facteurs :

 

1. Circonstances économiques habituelles

Par  « circonstances économiques habituelles » nous faisons référence à l’offre et à la demande locales, au taux de chômage, aux fluctuations de change, à l’instabilité politique, etc. En réalité, les circonstances (ou facteurs) économiques peuvent être considérées comme des facteurs externes. Le principe des externalités implique que la valeur des biens immobiliers peut être affectée par des éléments  qui n’ont, a priori, aucun rapport avec l’immobilier.

L’exemple de l’Espagne est particulièrement éloquent. Entre 2008 et 2010, le pays a été confronté à une surproduction immobilière (baisse de la demande combinée à une offre excédentaire) de millions de biens, ayant entraîné l’effondrement des prix sur le marché (de 40 % dans certaines régions).

Les fluctuations de change peuvent entamer  les rendements des investisseurs étrangers,   l’Amérique latine et en particulier le Brésil, en étant un exemple probant.

 

2. Politique et réglementations publiques

Figurent notamment dans cette catégorie le zonage, les transports publics et autres aménagements, les politiques fiscales, et la disponibilité du crédit. La politique fiscale est décisive, en particulier les changements relatifs au régime fiscal de l’immobilier, et plusieurs problématiques sont en jeu. Par exemple, les frais d’enregistrement vont-t-ils augmenter ? Comment les plus-values en capital sont-elles imposées en cas de cession d’un bien immobilier ? Qu’en est-il de l’impôt sur les successions ? Les paiements d’intérêt hypothécaires sont-ils déductibles de l’assiette fiscale, le cas échéant dans quelle mesure ? Les mesures gouvernementales de réduction d’impôts associés au remboursement des emprunts hypothécaires peuvent-elles peser sur les prix des logements ?

Au, Royaume-Uni, un impôt sur les plus-values en capital applicable à tous les acheteurs est entré en vigueur le 1er avril 2016 (auparavant, seuls les citoyens et résidents britanniques étaient soumis à cet impôt). Le droit de timbre (« stamp duty ») frappant l’achat d’une résidence secondaire a dans le même temps été relevé. En Belgique, certaines régions (Flandre, Bruxelles-Capitale et Wallonie) ont réduit les avantages fiscaux accordés dans le cadre d’emprunts hypothécaires. Bien qu’il y ait de nombreux exemples en la matière, il est essentiel d’évaluer les conséquences fiscales sur la valeur des logements. Si un gouvernement permet de déduire de façon quasi illimitée les charges d’intérêts, il contribue d’une certaine manière à gonfler la valeur des biens immobiliers, et le pays peut se retrouver face à une situation de surendettement hypothécaire, comme ce fut le cas aux Pays-Bas pendant des décennies. Le système a été remanié en 2013 avec l’introduction de réformes modérées (par exemple, réduction de l’allègement fiscal).

 

3. Facteurs sociaux

Les facteurs sociaux résultent des changements démographiques. Les logements plus petits sont actuellement de plus en plus demandés, car l le nombre de personnes vivant seules est en nette augmentation dans de nombreux pays. En parallèle,  le vieillissement rapide des populations (Europe, Japon) renforce le besoin de résidences-services. Par ailleurs, certaines villes sont toujours touchées par un manque de logements « abordables » (telle que Londres, par exemple). Ainsi, l’offre et la demande – tout comme  les prix – de l’immobilier évolueront au fil du temps.

 

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