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02.12.2019
#INVESTISSEMENTS

Comprendre les Tier 3 émises par les banques

L’apparition d’émissions des titres de dette Tier 3 sur le marché Euro fait suite à la contrainte générale de renforcement des fonds propres des banques voulue par les autorités de régulation. Revenons sur les raisons de cette création, et sur les caractéristiques de ces titres.

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Les origines de cette nouvelle catégorie d’obligations :

Suite à la crise financière de 2008/2009, les régulateurs internationaux ont décidé que les banques devaient désormais présenter des matelas de ressources, propres à absorber les pertes éventuelles. Ils serviraient de boucliers contre le risque, de manière à protéger le contribuable qui avait largement participé au sauvetage des banques à cette époque.

Un ratio a alors été créé par le Financial Stability Board, organisme de régulation international : le TLAC, acronyme de “Total Loss-absorbing capacity”. Il définit la capacité d’un établissement bancaire à absorber des pertes financières en cas de crise. Le matelas de fonds propres et d’instruments assimilés viendrait à représenter 16% du total de leurs actifs pondérés par les risques (les RWAs), soit un niveau très supérieur aux 8% des RWAs mis en place par Bâle III. A partir de 2022, ce matelas de ressources sera porté à 18%.

Le ratio TLAC est à implémenter au plus tôt le 1er janvier 2019 (et jusqu’en 2022) et s’appliquera aux 30 banques considérées comme systémiques dans le monde (dont 4 en France : BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE et Société Générale). Le renflouement en interne est désormais privilégié (dans le cadre de la loi Bail-in de 2015).

L’Europe a également décidé de se doter de son propre dispositif d’absorption des pertes : le MREL (acronyme de “minimum ratio of eligible liabilities”). Celui-ci n’est pas totalement finalisé et le régulateur cherche actuellement à harmoniser les dispositifs de renflouement des banques en Europe (divergences entre l’Allemagne, la France et l’Italie). Il reprend les exigences du TLAC en ajoutant des exigences supplémentaires de coussin à constituer.

 

Comment ces mécanismes de protection vont-ils fonctionner ?

Ces coussins de protection seront constitués de fonds propres durs (CET1), d’instruments de capital hybrides (AT1 et Legacy Tier 1), d’autres dettes subordonnées (Tier 2, Lower Tier 2, Upper Tier 2) et enfin de certaines dettes seniors de rang structurellement junior à d’autres passifs (les nouvelles Tier 3). Les pertes seront imputées en fonction du rang de séniorité de ces titres (les titres les plus risqués se voyant imputer les pertes en premier).

En cas de difficultés graves d’une banque (pour éviter la liquidation et privilégier la continuité de l’exploitation), le capital de la banque sera impacté en premier, puis les coupons ne seront pas payés sur les AT1. Enfin, les pertes s’appliqueront en cascade, des AT1 vers les Tier 3, en fonction du volume de pertes à imputer. Il y a donc un coussin important de protection avant même que les titres Tier 3 soient pénalisés par les pertes.

 

Le cas des banques françaises :   

La France a pris de l’avance sur la solution TLAC/MREL en votant une directive de la CE : la loi Sapin 2 a été publiée au JO du 10 décembre 2016 et autorise l’émission par les banques françaises de nouveaux titres représentatifs de dette pouvant absorber des pertes éventuelles.  Ils portent l’appellation de Non Preferred Senior (NPS) ou Tier 3.

Ces titres ont le statut de dette Senior mais avec un risque néanmoins plus élevé que pour une dette Senior classique. On dit qu’il s’agit de dette senior “junior”, car la priorité de remboursement en cas de défaut revient aux dettes senior classiques.

Ces titres ne remplacent pas la dette senior mais constituent une tranche supplémentaire dans la hiérarchie des créanciers.

Caractéristiques :

  • Pour être éligibles aux ratios TLAC/MREL, les Tier 3 doivent avoir une maturité résiduelle d’un an. Donc, pour être éligibles au 1/01/2019, les Tier 3 émises aujourd’hui doivent avoir une maturité en 2020, minimum.
    • Le rating de ces instruments est en moyenne 2 crans en dessous de la note senior chez S&P (un cran en dessous seulement pour BNP Paribas). Chez Moody’s, la notation est 3 crans inférieurs à la note senior.
      • Le spread de crédit est supérieur de 60bps en moyenne au rendement de dette senior du même émetteur.
      • Pas de call (les titres sont dits “bullet”).   
         

Les Tier 3 : un marché tout juste naissant

En France :

Les émissions récentes (Crédit Agricole London, BNP Paribas, Société Générale) montrent que ces titres sont liquides (fourchette de prix bid/ask espacée de 12bps, émissions de taille jumbo).

La demande a été forte puisqu’au final, le spread de crédit est ressorti plus faible qu’initialement estimé. La demande a principalement émané d’investisseurs institutionnels qui ont trouvé ici un supplément de rémunération attractif pour un supplément de risque très limité, vu la qualité des émetteurs et le rating de ces titres (noté A-/Baa2 pour la Tier 3 de BNP Paribas).

En Europe :

L’Espagne devrait choisir la même solution que la France en autorisant les banques espagnoles à émettre une nouvelle catégorie de titres senior junior (même appellation Tier 3 ou NPS qu’en France). En revanche, il reste des divergences avec les autres pays en Europe.

En Allemagne, toutes les obligations senior existantes (non encore échues) émises par des banques allemandes ont été requalifiées en titres pouvant absorber les pertes de leur émetteur. Il n’y a pas eu création d’une nouvelle catégorie de dette senior, comme en France ou en Espagne, dont l’objectif était de ne pas pénaliser les porteur d’obligations senior déjà existantes. Les détenteurs d’obligations senior de banques allemandes se trouvent donc aujourd’hui automatiquement exposés à un risque plus élevé, sans que cela ait été leur choix initial.

Le UK et la Suisse ont choisi l’émission de titres Holco (émis par la holding). Les banques anglaises et suisses sont chacune organisées en holding (la Holdco) et en filiale opérationnelle (la Opco). Les obligations senior émises par la Holdco sont plus risquées pour les porteurs et présentent des caractéristiques proches des Tier 3.

D’autres pays de la zone Euro (Belgique, Italie) ne se sont pas encore prononcés sur le format retenu.

 

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