Sustainability in business aviation Impôt sur les successions américain : l'exception Suisse
#Familles — 30.09.2021

Impôt sur les successions américain : l'exception Suisse

L’article suivant* analyse comment l’impôt sur les successions americain s'applique aux investisseurs étrangers, en particulier lorsqu'un résident de Suisse décède en laissant d'importants actifs américains à ses héritiers

Investir sur les marchés boursiers américains fait partie de toute stratégie de diversification d’actifs et de recherche de performance financière. Toutefois, un investisseur individuel sans aucun lien avec les Etats-Unis et détenant dans son portefeuille une part importante d’actions américaines peut laisser à son décès (souvent en l’ignorant) une surprise plutôt désagréable et inattendue du coté étasunien à ses héritiers.

Pour les citoyens et les résidents suisses, la Convention en vue d’éviter les doubles impositions dans le domaine des impôts sur la masse successorale et sur les parts héréditaires signée par la Suisse et les États-Unis en 1951 (ci-après « la Convention ») donne la possibilité de réduire considérablement un tel impact fiscal. En effet, l'investisseur suisse peut se voir accorder une exonération plus importante du côté américain, ce qui peut encourager une exposition accrue à ce marché sans craindre pour autant les conséquences néfastes de l'impôt américain sur les successions.

Remi Frank

US ESTATE TAX

Une personne est considérée comme domiciliée aux États-Unis aux fins de l’impôt sur les successions et les donations si elle y réside avec l'intention d’y demeurer de manière permanente. La détermination du domicile aux fins de l'impôt sur les successions et les donations est ainsi différente de la détermination de la résidence aux fins de l'impôt sur le revenu. Ainsi, il est possible d'être résident aux Etats-Unis aux fins de l’impôt sur le revenu sans pour autant y être domicilié aux fins de l’impôt sur les successions et les donations.

Les citoyens américains et les individus domiciliés aux Etats-Unis sont sujets à l’impôt sur les successions et les donations1 sur l’ensemble de leurs actifs à des taux compris entre 18 % et 40 %, après application d’un abattement dit « unifié »2 de USD 10 millions (ajusté selon l’inflation). Pour 2021, le montant exonéré indexé s’élève à USD 11.7 millions. En vertu de la législation en vigueur, le montant exonéré sera automatiquement ramené à USD 5 millions (ajusté selon l’inflation) en 2026.

En revanche, les individus non domiciliés aux Etats-Unis et non citoyens américains sont sujets à l’impôt sur les successions et les donations aux Etats-Unis uniquement sur certains actifs « situés » aux Etats-Unisaux mêmes taux mais avec un abattement unique4 de USD 60,000 applicable à l’impôt sur les successions uniquement (et non à l’impôt sur les donations).

Aux fins de l'impôt sur les donations, les actifs immatériels, tels que les actions émises par une société américaine et les obligations, ne sont pas considérés comme des actifs situés aux Etats-Unis.

US ESTATE TAX RETURN

Comme expliqué plus haut, si le défunt n’était ni citoyen américain ni domicilié aux Etats-Unis à son décès, l'impôt sur les successions américain sera dû uniquement sur les actifs situés aux Etats-Unis. Dans une telle situation, si la valeur totale des actifs situés aux États-Unis dépasse le montant de USD 60,000, l'exécuteur (le cas échéant) doit déposer le formulaire fiscal « 706-NA » dans les 9 mois suivant la date du décès, à moins qu'une prolongation du délai de dépôt n'ait été accordée. 

La détermination de l'impôt nécessite d'indiquer la valeur de marché des actifs situés aux Etats-Unis au jour du décès.5

La valeur totale des actifs situés hors des États-Unis doit également être indiquée si l'exécuteur souhaite faire valoir des déductions, telles que les frais funéraires et administratifs, des créances à l’encontre de la succession, des hypothèques non payées, ou certaines pertes.

LE « SONDERFALL » helvétique

Les citoyens et résidents suisses investissant sur le marché américain peuvent bénéficier de la Convention, qui s'applique à l'impôt sur les successions américain et à tout impôt prélevé en Suisse sur les successions par un canton et toute subdivision politique. Contrairement aux conventions plus modernes en la matière, cette Convention accorde une exonération plus importante (à savoir supérieure à l’exonération standard de USD 60,000) aux héritiers de défunts résidents ou citoyens suisses qui n'étaient ni citoyens américains, ni domiciliés aux États-Unis au moment de leur décès.

L'article 3 de la Convention prévoit que cette exonération plus importante sera égale à l’abattement accordé en droit américain à tout défunt domicilié aux Etats-Unis  multipliée par le rapport entre la valeur des actifs ayant un « situs » américain et la fortune globale du défunt (qu’elle ait un « situs » américain ou non).

Exemple

Prenons un résident suisse décédé en 2021 à Genève, laissant à son conjoint et à ses enfants vivant en Suisse une succession de USD 10 millions.
La succession comprend :

  • une résidence à Genève évaluée à USD 3 millions ;
  • des dépôts en francs suisses auprès d’établissements bancaire à Genève et au Luxembourg pour USD 2 millions ;
  • une participation dans une société anonyme suisse valorisée à USD 3 millions ; et
  • un portefeuille d’actions de sociétés américaines évalué à USD 2 millions.

D’un point de vue suisse (et particulièrement genevois), aucun impôt successoral ne sera dû dans la mesure où les transmissions et attributions de biens en faveur du conjoint et des parents en ligne directe sont exemptes de tous droits.

En vertu du droit fiscal américain, les actions de sociétés américaines seraient sujettes à l’impôt sur les successions aux Etats-Unis vu que leur valeur de marché est supérieure à USD 60,000. Toutefois, par application de la Convention, les actifs américains bénéficieraient d’une exonération à hauteur de USD 2,34 millions, ce qui correspond à un cinquième de l'exonération de USD 11,7 millions (un cinquième correspondant à la proportion entre la valeur des actions américaines –USD 2 millions- et la valeur de l’ensemble des actifs mondiaux du défunt –USD 10 millions- au décès). Pour prétendre à ce bénéfice, la succession doit déposer le formulaire fiscal « 706 ‑ NA », ainsi que le formulaire « 8833 », indiquant les participations dans les sociétés américaines et la valeur du patrimoine total. Par conséquent, dans cet exemple, aucun impôt sur les successions ne sera dû aux Etats-Unis, la valeur des actions américaines (USD 2 millions) étant inférieure au montant exonéré de USD 2,34 millions accordé grâce à l’application de la Convention

 

Conclusion

Sous l'administration Biden8, le Congrès américain pourrait décider d’introduire plus tôt la réduction du montant de l'exonération à vie (initialement prévue pour 2026), voire même d’abaisser le montant exonéré prévu de 5 millions USD, tout en portant le taux marginal de l’impôt sur les successions à 45 % (contre 40 % actuellement). Bien que ces modifications n'affecteraient pas l'application de la Convention aux investisseurs suisses, elles en réduiraient proportionnellement son intérêt.

L'avantage octroyé par la Convention (à savoir de considérablement accroître le montant exonéré d’impôt sur les successions du côté américain) pourrait inciter les investisseurs helvétiques à entrer et surtout rester sur les marchés boursiers américains. En outre, le fait de détenir de tels investissements en direct permet à l'actionnaire résident de Suisse de bénéficier d’une réduction de retenue à la source américaine (de 30 à 15%) sur les dividendes versés par application de la convention fiscale sur les revenus conclue entre les deux pays.

Chaque cas étant différent, il convient d'obtenir des conseils juridiques et fiscaux appropriés à sa propre situation. Alors que la pandémie se poursuit et qu'une nouvelle administration est en place, une certitude est que les impôts sur les successions américains resteront encore longtemps une préoccupation pour les investisseurs internationaux.

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1.  Il existe un impôt supplémentaire, appelé «generation-skipping transfer tax», qui s'applique aux donations et aux legs qui « sautent » une ou plusieurs génération(s) (par exemple, un don des grands-parents aux petits-enfants) ou qui sont faits à des personnes étant plus jeunes d’au moins 37 ans et demi que le donateur. Il existe un abattement séparé pour ce type de transferts qui équivaut à l’abattement ordinaire pour l’impôt sur les successions et les donations.

2. § 2010 du « US Internal Revenue Code of 1986, as amended ».

3. Pour les citoyens non américains qui ne sont pas domiciliés aux US, les actifs “situés” aux US incluent généralement les biens immeubles situés aux États-Unis, les actions émises par des sociétés organisées ou constituées aux États-Unis (peu importe le lieu où se trouvent les certificats), les dettes et autres obligations de personnes américaines (à l'exception de certaines obligations d'entreprises et des emprunts d'État américains émis pour des périodes supérieures à 6 mois), certains types d’actifs immatériels tels que des brevets ou droits d'auteur et les actifs mobiliers situés aux États-Unis tels que les œuvres d'art.

4. IRC § 2102 prévoit techniquement un crédit unifié de USD13,000.

5. L'exécuteur peut choisir une date ultérieure afin d’évaluer les actifs du défunt mais seulement dans les six mois qui suivent le décès.

6. Bien que la Convention soit antérieure au système actuel d’exonération, la jurisprudence passée a confirmé que l’art.3 continuait à s’appliquer suite aux évolutions législatives en matière d’impôts sur les successions américains qui ont substitué le système d’exemption par le système du crédit d’impôt. Voir Mudry v United States, 11 Cl. Ct. 207 (1986).

7. Art.6A de la loi genevoise sur les droits de succession. Cependant, une telle exemption ne s’appliquerait pas si le défunt était au bénéfice d’une imposition d’après la dépense selon l’une ou l’autres des trois dernières décisions de taxation définitives au jour du décès. Dans un tel cas de figure, une succession en ligne directe et entre époux survivants serait taxée à un taux marginal de 6%.

8. En particulier avec les Démocrates qui contrôlent la Chambre des représentants et la vice-Présidente Kamala Harris ayant une voix prépondérante en cas de vote paritaire au Sénat.

 

 

* Co-écrit par Samuel Favre, Wealth Planner chez BNP Paribas Wealth Management, Genève et Elliott Murray, associé chez Baker McKenzie, Genève. Traduction en français réalisée par BNP Paribas WM Switzerland.
Cet article a été publié dans le STEP Journal: numéro 4, 2021

 

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