#Stratégie d'investissement — 28.03.2019

BCE & Courbe des Taux

Edouard DESBONNETS

L’environnement économique et la prudence de la BCE mettent à mal la normalisation monétaire.

La fenêtre d’opportunité pour normaliser la politique monétaire s’éloigne.  La BCE sera-t-elle en mesure d’augmenter ses taux en 2019 ou en 2020 ? Le rendement obligataire allemand à 10 ans devrait rester bas: 0,30% à horizon un an.

BNP Paribas Wealth Management

BCE: la remontée des taux est fortement compromise 

Les perspectives économiques et la patience prônée par les banques centrales mettent sérieusement à mal notre scénario initial de remontée lente et progressive du taux directeur de la BCE (Banque Centrale Européenne). Nous n’envisageons dorénavant plus de hausse du taux principal, ni pour cette année, ni pour l’année prochaine. 

•Les perspectives économiques se dégradent

Les indicateurs avancés envoient des signaux préoccupants. L’activité des services décélère mais reste en expansion alors que l’activité manufacturière ralenti et se contracte. Cela a poussé la BCE à revoir ses prévisions de croissance et d’inflation pour 2019 drastiquement à la baisse. Les prévisions pour 2020 et 2021 ont quant à elles été abaissées légèrement. Nous avons également révisé nos prévisions à la baisse. Elles sont légèrement moins optimistes que celles de la BCE. Nous prévoyons 0,9% de croissance en 2019 et 1,2% d’inflation. 

•TLTROs

La BCE va lancer une nouvelle salve de prêts aux banques (TLTROs - Targeted Longer-Term Refinancing Operation), d’une durée de deux ans et à des conditions avantageuses, entre septembre 2019 et mars 2021. Ces prêts sont à taux variables, basés sur le taux refi (0% actuellement), à l’inverse des anciens TLTROs dont le taux était basé sur le taux de dépôt (-0,40%). On peut alors concevoir que la BCE serait réticente à augmenter son taux refi d’ici 2021 afin de ne pas augmenter le coût de refinancement des banques, qui subissent déjà des taux négatifs sur les dépôts qu’elles placent chaque soir à la banque centrale. Le BCE s’interroge d’ailleurs sur la pertinence de changer ce cadre et d’évoluer vers un système où une partie des dépôts des banques serait exempté de taux négatif, à l’instar du Japon, de la Suisse et du Danemark. 

•Les cycles de resserrements monétaires

La Réserve fédérale américaine (Fed) se rapproche de la fin de son cycle de resserrement monétaire. Elle prévoit une hausse de taux pour 2020 mais plus rien pour cette année. De notre point de vue, la Fed ne sera plus en mesure d’augmenter ses taux car l’inflation ne montre pas de signe d’accélération et la croissance ralentit aux Etats-Unis et dans le reste du monde.

Historiquement, la Fed a quasi toujours été la première à entamer un cycle de hausse de taux, et la BCE lui emboitait le pas (cf graphique). Avant l’euro, la Bundesbank suivait aussi la Fed en la matière. Vu que, d’après nous, la Fed a terminé son cycle, la BCE a raté la fenêtre de normalisation et ne sera plus en mesure d’augmenter son taux refi. La BCE exposerait les marchés à des turbulences, notamment sur le marché des changes, si elle venait à monter ses taux « toute seule ».

Les rendements obligataires allemands

•Le rendement allemand à 2 ans

Le rendement à 2 ans est très influencé par la politique monétaire de la BCE. Faute d’impulsion de la banque centrale, nous estimons qu’il devrait rester autour des niveaux actuels. Notre objectif à horizon 12 mois est maintenu à -0,60%. Même négatif, le rendement à 2 ans reste plébiscité par les investisseurs institutionnels du fait de ses caractéristiques: sûr (noté AAA par les agences de notation), liquide et de court terme. 

•Le rendement allemand à 10 ans

Les craintes sur la croissance, la baisse des attentes d’inflation, les incertitudes géopolitiques et la politique accommodantes des banques centrales ont poussé le rendement obligataire allemand à 10 ans en territoire négatif (-0,05%).

Notre ancien objectif à 0,75% pour le rendement à 10 ans sous-tendait que les rendements obligataires subiraient des pressions à la hausse en février et mars étant donné qu’à cette période la BCE réduisait fortement le montant de ses achats de dette souveraine (cf graphique). Cet effet ne s’est pas produit, les investisseurs ayant largement pris le relai de la BCE. Les rendements obligataires se sont détendus davantage sur fond de ralentissement économique et de crainte de récession.

Les investisseurs continuent d’acheter les obligations souveraines allemandes comme l’attestent les dernières adjudications. En février, l’émission allemande à 10 ans offrait un rendement de 0,12% et a été sursouscrite 2,48 fois. En mars, le rendement est tombé à 0,05% et pourtant la demande a été plus forte. La sursouscription était de 2,59 fois. 

La dette allemande est l’une des rares en zone euro encore notée AAA par les agences de notation, avec la dette néerlandaise et luxembourgeoise. L’Allemagne et les Pays-Bas ont des excédents budgétaires et ont donc moins besoin d’emprunter sur les marchés. L’offre est limitée alors que la demande de la part des institutionnels s’est accrue pour des raisons règlementaires. L’effet rareté pousse les prix à la hausse et les taux à la baisse. 

Le rendement obligataire allemand à 10 ans devrait rester bas. Nous pensons cependant qu’il redeviendra positif dans quelques mois. Notre objectif à horizon 12 mois est 0,30%. 

Edouard DESBONNETS

Investment Advisor Fixed Income
BNP Paribas Wealth Management