#Investissements — 10.07.2017

Actions : pourquoi le secteur bancaire européen se porte-t-il si bien ?

Guillaume Duchesne

Malgré les incertitudes actuelles qui pèsent sur les marchés boursiers, les banques ont surperformé au cours des dernières semaines.

Le secteur bancaire est celui qui affiche les meilleurs résultats de ces dernières semaines. Les banques européennes ont enregistré une hausse de 3 % en un mois, tandis que l'indice Stoxx 600 a chuté de 2%. Il s'agit de la réaction positive la plus importante du secteur bancaire européen depuis sa forte progression à la fin de l'année 2016. La rotation en faveur de ce secteur à la volatilité élevée semble plutôt contre-intuitive, en particulier dans un contexte où les marchés mondiaux sont hésitants. Plusieurs facteurs clés permettent toutefois d'expliquer cette surperformance.


La situation économique continue de s'améliorer dans la zone euro :
des enquêtes de confiance indiquent une tendance positive, bien que les dernières données économiques concrètes invitent à relativiser quelque peu l'optimisme dominant. Après une croissance de 0,5 % en glissement trimestriel au 4e trimestre de 2016, les différentes enquêtes de confiance menées depuis le début de l'année ont laissé entrevoir que la croissance se poursuivrait à un taux similaire, voire même plus élevé, au premier trimestre 2017. La reprise de la confiance des consommateurs a probablement été induite par les améliorations relatives au marché du travail qui se sont traduites par une baisse du taux de chômage, jusqu'à 9,3 % en avril, le plus bas niveau atteint depuis la crise financière. La croissance du crédit devrait bénéficier de cette amélioration de la conjoncture économique. Une progression de la croissance des prêts a déjà été constatée en Allemagne, en France et en Espagne. L'Italie, quant à elle, connaît toujours une tendance faible. Cette dynamisation observée en Europe a un impact positif sur les perspectives de bénéfices des banques. Les estimations en termes de BPA ont été révisées à la hausse en Europe (+1 % au cours des trois derniers mois). Les banques sont parmi les premiers bénéficiaires de cette tendance positive (+2,5 %). Après une longue période de performances négatives, le BPA est devenu positif dans le secteur bancaire européen.

Les taux d'intérêt ont augmenté en Europe, encourageant une rotation sectorielle vers les secteurs sensibles aux taux d’intérêt. Le taux d'intérêt allemand à 10 ans a progressé de 30 points en un mois. Les investisseurs ont perçu un changement dans la pensée de la Banque centrale européenne (BCE) à travers ses dernières communications. Dans un discours important prononcé lors du forum de la BCE sur les activités des banques centrales, le président Draghi a créé l’espoir d’un ajustement de la politique, tout en assurant que la BCE agirait progressivement et avec prudence. Il a fait montre d'une grande confiance à l'égard de l'efficacité de la politique monétaire : la croissance dépasse les prévisions ; elle est bien répartie au sein de la zone euro et les facteurs qui pèsent sur l'inflation sont en majorité temporaires. La BCE est serait donc prête à accompagner la reprise, c'est-à-dire à augmenter les taux d'intérêt conformément à la remontée de l'inflation. Le président a affirmé, dans le même temps, que les politiques doivent rester accommodantes pour garantir que l'inflation revienne à l'objectif visé, de façon durable. Les marchés ont vu dans les commentaires de M. Draghi, un discours « hawkish » suggérant que le désengagement pourrait s'amorcer plus tôt que prévu. Cette communication laisse planer une certaine ambiguïté quant à l'orientation de la politique monétaire. En raison des craintes relatives au rythme de la politique monétaire, le rendement des obligations a augmenté de façon considérable et les actions européennes ont chuté. Néanmoins, le rendement plus élevé des obligations ainsi que la pentification de la courbe de rendement constituent des éléments positifs pour l'activité bancaire. Les banques affichent la corrélation la plus positive à l'égard des rendements. La pentification de la courbe est importante pour les marges nettes d'intérêt des banques, sous pression ces dernières années.

Alors que les valorisations élevées deviennent problématiques pour la plupart des secteurs, elles restent relativement faibles dans l'industrie bancaire. Le secteur a rebondi au cours des 12 derniers mois, mais n'a pas encore pleinement bénéficié du « reflation trade » (contrairement aux valeurs purement cycliques). En dépit de ce fort rebond récent, les banques de la zone euro présentent toujours des valorisations attractives. Le ratio cours/bénéfice reste à un niveau sous-évalué dans la juste valeur. Le ratio cours/valeur comptable reste inférieur à 1 (0,9). Les banques semblent plus attractives que la plupart des autres industries de valeurs cycliques.

Les nouvelles encourageantes des pays de la périphérie européenne ont réduit le risque de stress extrême pour le secteur bancaire européen. Après le sauvetage de Banco Popular en Espagne, l'Italie a trouvé à son tour une solution à certaines banques en faillite. Le 25 juin, l'Italie a annoncé le plus grand sauvetage bancaire jamais connu. Le gouvernement italien fournira 17 milliards d'euros pour rétablir deux banques vénitiennes en faillite : Banca Popolare di Vicenza et Veneto Banca. L'accord a permis d'éviter un renflouement interne pur (« bail-in »), ce qui aurait été dommageable pour l'Italie. Cette solution contraste avec le sauvetage antérieur de Banco Popular en Espagne, pour lequel aucune aide de l'État n'a été apportée. La décision semble très pragmatique et adaptée à la situation spécifique de l'Italie. Après une longue période de négociations, un compromis a été trouvé entre les autorités européennes et l'Italie. Plus récemment, la Commission européenne a donné son approbation officielle pour l'exécution d'un plan de restructuration de Banca Monte dei Paschi, ouvrant la voie au contrôle public.

 

Dans cet environnement en amélioration, les banques européennes devraient surperformer. Les banques solides des principaux pays d'Europe (Benelux et France) peuvent notamment être privilégiées. Aux États-Unis, bien que les derniers tests de résistance de la Fed ont soutenu les actions du secteur bancaire américain, le potentiel semble plus limité : les valorisations y sont plus élevées et le cycle du crédit y est plus avancé qu'en Europe.