#Stratégie d'investissement — 02.05.2017

Marchés actions : nos préférences à moyen terme

Roger Keller

L’économie mondiale devrait afficher une croissance de 3,4% en 2017 et 3,8% en 2018, avec une intensification des pressions inflationnistes. Ce contexte est prometteur pour les marchés dits pro-cycliques tels que la zone euro et le Japon. Ces derniers devraient surperformer les États-Unis, région très onéreuse, ainsi que les grandes capitalisations britanniques et suisses, lesquelles sont de nature défensive. Les marchés émergents sont soumis à des contraintes qui limitent leur potentiel haussier.

Optimistes sur la zone euro : les cieux sont favorables

« Cette fois, c'est différent ! » Nous n’aimons ni entendre ni prononcer ces mots, souvent bien dangereux. C’est pourtant vrai : l’activité nationale a été un moteur de croissance essentiel !

Au cours des cycles précédents, les exportations étaient généralement le facteur principal de la reprise. À présent, la zone euro tourne à plein régime. En conséquence, les perspectives de bénéfices sont attrayantes, entre levier d’exploitation positif, rachats d’actions et effets de base porteurs pour les valeurs financières et les sociétés en lien avec les matières premières.

Les risques politiques semblent s’atténuer, du moins pour cette année. Ces tendances favorables s’accompagnent de valorisations attrayantes (CAPE, ratio cours/valeur comptable ou P/B, rendement du dividende et par rapport aux obligations). En conclusion, la zone euro offre un potentiel haussier supérieur à la moyenne.

Opinion positive sur le Japon eu égard à son profil pro-cyclique

Les actions japonaises sont généralement les premières bénéficiaires de l’accélération de la croissance mondiale (grâce à la part élevée des valeurs cycliques dans l’indice) et de la hausse des rendements obligataires américains. Elles signent toutefois des performances décevantes depuis le début de l’année compte tenu de la solidité du yen, de l’actualité économique peu encourageante au plan national et, plus récemment, du décrochage des positions mondiales liées à la reflation.

Nous pensons néanmoins que les valeurs nippones devraient générer des rendements supérieurs à la moyenne, car les perspectives économiques restent favorables et un affaiblissement notable du yen est à prévoir. Les surprises économiques récentes sont à nouveau favorables. En parallèle, la vaste politique de relance budgétaire initiée fin 2016 devrait bientôt commencer à porter ses fruits, la forte amélioration de la masse monétaire réelle M1 annonce une embellie des chiffres du PIB pour les prochains mois et l’inflation repart lentement à la hausse.

Ces tendances, ainsi que la poursuite des rachats d’actions, devraient soutenir une croissance solide des bénéfices, dont les révisions ont été nettement à la hausse jusqu’à récemment. Les actions japonaises offrent des valorisations attrayantes. Le PER relatif est proche de son plus bas niveau depuis 1990 et le ratio cours/valeur comptable ne reflète pas l’amélioration du ROE.

Neutres sur les États-Unis : les valorisations élevées représentent un frein majeur

Le PER de Schiller atteint près de 30, un niveau qui n'a été excédé qu’à deux reprises depuis 1871 : en 1929 juste avant la Grande dépression, et en 2000 lors de l’éclatement de la bulle technologique. Le PER médian s’élève à 24, un niveau qui a par le passé été suivi de rendements extrêmement faibles (et d’une perte moyenne de 18% au cours des trois années suivantes).

Même constant lorsque l'on analyse les autres outils de valorisation : les titres américains ne constituent plus un placement de long terme. Pour l’heure, nous nous en tenons toutefois fermement à nos positions compte tenu de la dynamique positive de l’économie américaine et des bénéfices. Le S&P500 conserve un potentiel de hausse et pourrait bien signer de nouveaux plus hauts historiques, notamment si la réforme fiscale permet un relèvement des prévisions de bénéfices pour 2018.

Neutres sur le Royaume-Uni

Grâce au repli à deux chiffres de la livre sterling depuis le vote sur le Brexit, la croissance des bénéfices devrait être solide en 2017 (70% des recettes sont générées en dehors du Royaume-Uni).

Cette évolution fait suite à 5 années de baisse et précède le retour de la croissance des bénéfices à un niveau inférieur à la moyenne l’année prochaine, notamment en raison de la nature défensive du marché actions britannique. Les perspectives solides de croissance des bénéfices pour cette année constituent donc une exception, alimentée principalement par les secteurs liés aux matières premières, qui représentent 23% de l’indice FTSE100.

Le consensus pourrait bien réviser à la baisse ses prévisions haussières concernant les bénéfices si, comme nous l’anticipons, la livre sterling s’apprécie. Au vu des valorisations en ligne avec leurs moyennes à long terme et des incertitudes relatives aux négociations sur le Brexit, nous conservons notre positionnement neutre.

Positionnement neutre sur les grandes capitalisations suisses, mais positif sur les moyennes capitalisations

La reprise de l’économie suisse dépasse les prévisions de la plupart des spécialistes. Avec 60% des exportations à destination de l’Union européenne, qui traverse une période de croissance supérieure à son potentiel, les entreprises suisses affichent des perspectives bénéficiaires positives.

Après deux ans de resserrement, les bénéfices devraient repartir à la hausse à un rythme supérieur à 10% dans le cas des petites et moyennes capitalisations, que nous apprécions dès lors qu'elles sont bien positionnées pour tirer parti de l’amélioration de l’économie mondiale. Du côté des grandes capitalisations, la croissance des bénéfices devrait rester plus modeste compte tenu de leurs caractéristiques défensives et malgré leur présence internationale.

Leurs valorisations sont en ligne avec les moyennes à long terme à en juger par les PER et les ratios cours/valeur comptable. Nous conservons donc notre positionnement neutre sur les grandes capitalisations.

Maintien du positionnement neutre sur les marchés émergents

Les marchés boursiers émergents ont bénéficié de l’évolution plus favorable des indices PMI depuis le début de l’année par rapport aux pays développés, de la baisse du dollar, du repli des rendements obligataires, d’un retournement à la hausse des révisions de bénéfices (en territoire positif pour la première fois depuis février 2011) et de l’absence de nouvelles concernant les restrictions commerciales aux États-Unis.

Désormais, l’apathie des cours des matières premières, les prévisions de relèvement des taux des fonds fédéraux, la hausse des rendements obligataires et l’appréciation du dollar américain pointent vers des rendements moroses. De plus, les facteurs techniques incitent à la neutralité du fait des conditions de surachat et des divergences négatives.

En Chine, la présence de signes précoces (dynamique du crédit, conditions monétaires) d’un ralentissement de l’économie domestique, qui aurait des répercussions importantes sur les exportations vers l'Empire du Milieu, renforce également notre position. Nous avons pris note de l’inversion de l’indice des prix à la production (IPP) chinois, pénalisant les bénéfices industriels. Enfin, les incertitudes restent très présentes concernant les politiques protectionnistes envisagées aux États-Unis. Avec des valorisations en ligne avec leurs moyennes de long terme, nous préférons conserver notre position neutre dans ce contexte, avec une préférence inchangée pour l’Asie.