#Investissements — 02.08.2018

Marché actions : Etats-Unis versus Europe

Guillaume Duchesne & Roger Keller

Des facteurs spécifiques ont permis à la bourse américaine de mieux progresser que les autres marchés actions depuis le début de l’année.

Une performance américaine reposant sur deux piliers

La bourse américaine a réussi à tirer son épingle du jeu en progressant de 5,4% depuis le début de l’année. Cette hausse a été possible malgré un niveau de valorisation élevé et des flux nets de fonds négatifs, au contraire des autres marchés actions principaux qui ont bénéficié de flux nets entrants. Il s’avère que la bonne performance relative de la bourse américaine repose principalement sur deux facteurs, le premier étant des achats de titres par les entreprises elles-mêmes, le second l’excellente performance de quelques valeurs internet ou technologiques. Les rachats d’actions se sont en effet accélérés depuis le début de l’année dans le cadre de fusions et acquisitions ou de programmes de rachats d’actions, encouragés par la réforme fiscale. Les rachats s’élevaient à 2,1% de la capitalisation totale de l’indice S&P500 au premier semestre 2018 avec une large contribution du secteur de la technologie (40% des rachats), puis des financières et des soins de santé. 

Un potentiel haussier plus limité pour les Etats-Unis

En 2018, grâce à des baisses d’impôts qui contribuent pour 7 points de pourcentage à la croissance des bénéfices des sociétés américaines, cette dernière se révèle largement supérieure à la moyenne mondiale : 22% contre 15%. En 2019, la croissance des bénéfices convergera vers la moyenne mondiale : 9,9% contre 9,4%, selon les estimations consensuelles. L’effet positif des baisses d’impôts aura fortement diminué. Les rachats d’actions seront également beaucoup moins significatifs. Le potentiel haussier des actions américaines n’est pas contraint par la dynamique bénéficiaire mais plutôt par le niveau de valorisation. Cela ne transparait pas forcément à l’observation du cours sur bénéfices, puisqu’il a subi une distorsion à la suite de l’implémentation des baisses d’impôts. Mais la surévaluation devient très visible quand on utilise des ratios tels que les cours divisés par les bénéfices ajustés du cycle (CAPE actuellement à 32, au plus haut en 17 ans), ou bien le cours sur ventes (2.1x), de même que le cours sur  valeur comptable (actuellement à 3x).

Quant au rendement du dividende, il a perdu de son attrait. Son niveau de 1,9% se retrouve à nouveau inférieur à celui des rendements obligataires, même avec des obligations à échéance courte. Cela va inciter la tranche des investisseurs qui avaient été attirés vers les marchés actions par la chasse aux rendements à revenir vers l’actif qu’ils connaissent mieux, les obligations. Le potentiel haussier des actions américaines ne nous semble dès lors pas supérieur à celui des autres bourses, mais proche de celui du MSCI World AC

Des facteurs pénalisant en Europe au premier semestre

Tandis que le marché américain bénéficie de plusieurs moteurs, l’Europe semble patiner. La pondération sectorielle joue un rôle déterminant dans la différence de performances entre les deux zones. Alors que les Etats-Unis sont largement exposés aux valeurs technologiques (25% du MSCI US), principale source de croissance, l’Europe en est quasiment dépourvue (6% du MSCI Europe). Cette dernière se singularise par une forte représentation des financières et des valeurs exportatrices (cycliques et consommation de base). Or, ces secteurs se trouvent avoir été récemment pénalisés par un environnement difficile.

Si nous inter-changeons les pondérations sectorielles des Etats-Unis et de l’Europe, comment évoluerait la performance des deux zones?  Avec une pondération sectorielle similaire à celle de l’Europe, l’indice américain n’aurait pas grimpé de 5% depuis le début de l’année, mais seulement de 2,2% (au 27 juillet).  A l’inverse, l’indice MSCI Europe, qui a augmenté de seulement 0,6% (en euro) depuis début 2018, aurait gagné 3,7% avec une structure sectorielle identique au MSCI US.

La belle performance des Etats-Unis est clairement rognée dès qu’on utilise des indices équi-pondérés. L’Europe avait même tendance à rattraper les Etats-Unis en début d’année, mais les inquiétudes politiques et macroéconomiques ont poussé les investisseurs vers la croissance solide, les valeurs américaines reprenant ainsi leur leadership. L’Europe a en effet décroché après la crise italienne de mi-mai qui a fortement pénalisé le secteur bancaire.

Cela étant dit, nous continuons de penser que le second semestre 2018 sera plus favorable aux secteurs cycliques auxquels l’Europe est exposée, grâce notamment à une remontée des taux d’intérêt, une croissance économique dynamique et les fondamentaux solides des entreprises.