#Stratégie d'investissement — 04.07.2016

Perspectives boursières

Roger Keller

Contexte

"Une volatilité plus élevée, pour plus longtemps"

Nous avions anticipé une phase de volatilité dans les prochains mois, en raison des facteurs suivants :

  • Des valorisations élevées (les valorisations basées sur les bénéfices sont proches de leurs plus hauts des dix dernières années et le rapport cours/valeur comptable se situe aux alentours de sa moyenne à 10 ans
  • Un passage à vide au niveau des bénéfices avant la fin de l'année
  • Une probable absence prolongée de signal clair des indicateurs économiques.

Au lendemain du vote sur le Brexit, cette phase de volatilité devrait s'avérer plus marquée et plus longue. Il y a deux raisons à cela : un impact économique négatif, essentiellement pour le Royaume-Uni et dans une moindre mesure pour la zone euro, et l'inclusion d'une prime de risque politique plus importante. Celle-ci n'a pas uniquement pour objectif de tenir compte de la longueur et de l'âpreté des négociations sur la future sortie du Royaume-Uni, mais également d'intégrer le fait qu'au sein de l'Union européenne, les mouvements anti-establishment vont se sentir pousser des ailes et que le risque de contagion n'est pas inexistant. 

Sur la corde raide, mais toujours en attente d'une hausse des marchés à moyen terme

Les valorisations étant onéreuses en termes absolus, les perspectives pour les marchés boursiers sont lourdement tributaires de la capacité de progression qu'afficheront les bénéfices.

Il s'agit là de notre hypothèse de base, inspirée de notre anticipation d'une poursuite de l'expansion de l'économie mondiale, à un rythme certes moins soutenu. Cela est suffisant pour tabler sur une accélération de la croissance bénéficiaire en 2017, grâce à l'amélioration des marges en dehors des Etats-Unis et aux révisions à la hausse des prévisions bénéficiaires du secteur de l'énergie, après le retour relativement rapide des cours du Brent autour de 50 USD.

Nous prévoyons une croissance des bénéfices de l'ordre de 5% environ. Le potentiel haussier, pour les bourses dans ce scénario de base, est clairement limité. Si l'économie mondiale devait cependant dévier de sa trajectoire de croissance, le risque baissier serait alors considérable, en raison des nettes révisions à la baisse des prévisions bénéficiaires et d'un « de-rating » significatif. Il existe une relation asymétrique entre le risque et le rendement, mais compte tenu de la rareté des opportunités, les investisseurs doivent accepter soit des niveaux de risque plus élevés soit de ne dégager aucun rendement. Les dividendes devraient donc jouer un rôle clé dans la performance des investissements en actions.

 

Beaucoup d'agitation pour arriver finalement ...à pas grand chose 

Nous n'identifions de toute évidence aucun catalyseur positif pour les prochains mois, au vu des incertitudes économiques et politiques persistantes, les valorisations sont onéreuses et les bénéfices tarderont sans doute à afficher une dynamique favorable.

Nous sommes enclins à penser que les risques baissiers pourraient être limités en raison de l'amélioration du rapport entre prévisions bénéficiaires à la hausse et à la baisse,  d'un niveau de confiance des investisseurs déja déprimés et du positionnement prudent des investisseurs, comme l'illustre le niveau de liquidités de 5,7% dans l'enquête de BoAML auprès des gérants de portefeuille.

Il convient de souligner la rotation hors des fonds d'actions vers les fonds d'obligations, la plus forte depuis début 2009, selon JP Morgan. Nous noterons encore que les sorties de fonds hors des hedge funds au premier trimestre ont été les pires depuis 2009. Nous ne pouvons bien entendu exclure que la diminution des volumes de négociation durant l'été, conjuguée à une nouvelle détérioration du sentiment, fasse plonger les prix à de nouveaux points bas extrêmes, mais temporaires. Les éléments précités et le soutien robuste offert par les dividendes, qui ont rarement été aussi attrayants par rapport aux obligations ces dernières décennies, ainsi que la vigilance des autorités, rendent toutefois cette hypothèse peu probable. 

Préférence pour les marchés boursiers développés dans un contexte d'aversion pour le risque

Le vif redressement des marchés émergents, depuis leur point bas du 21 janvier, s'est avéré n'être rien d'autre qu'un fort rebond à partir d'une solution survendue, dont la cause première réside dans l'inversion des cours pétroliers à compter de cette même date.

Le Brexit étant voté, les attentes à l'égard du prochain relèvement des taux aux Etats-Unis ont à nouveau été reportées, sans pour autant induire un nouveau fléchissement de la devise américaine, laquelle a continué à jouer son rôle de valeur refuge.

Dans la mesure où l'incertitude devrait prévaloir dans les prochains mois, nous pensons que les investisseurs se montreront peu enclins au risque. Cela serait pénalisant pour les marchés émergents, même si les turbulences sur les marchés mondiaux sont dernièrement venues des pays développés. Enfin, des interrogations demeurent quant à savoir si la Chine ne bénéficie que d'un mini-cycle favorable. Dans ces conditions, nous maintenons notre préférence pour les marchés développés.

 

Par pays

"Toujours un potentiel de surperformance"

Dans le sillage du vote sur le Brexit, nous avons été contraints de revoir légèrement à la baisse nos perspectives pour la zone euro et d'ajouter une prime de risque politique plus importante (référendum en Italie, élections aux Pays-Bas, élections françaises...).

Les fondamentaux demeurent suffisamment robustes  pour attendre une dynamique des bénéfices supérieure à la moyenne, dans la mesure où leurs niveaux restent cycliquement déprimés. Au fil du temps, les actions de la zone euro bénéficieront en outre d'une amélioration progressive de la croissance des pays émergents dès lors qu'elles dépendent du cycle mondial.

Il ne faut pas donner trop d'importance aux analyses des ratios C/B ou C/EBITDA supérieurs à la moyenne dans la mesure où les bénéfices affichent des niveaux déprimés d'un point de vue cyclique.

On privilégiera les outils d'évaluation tels que le cours/valeur comptable, les dividendes ou les comparaisons par rapport aux valorisations des obligations. Ces dernières sont d'autant plus séduisantes que la politique monétaire restera on ne peut plus accommodante pour très longtemps. Une évolution graduelle de la parité EUR/USD vers 1,08 devrait également contribuer aux perspectives positives.

 

L'optimisme toujours de mise dans l'attente des Abenomics 2.0.

Les bénéfices des entreprises ont récemment beaucoup souffert de la vive appréciation de la paire USD/JPY, qui est passée de 120 en moyenne en 2015 à plus ou moins 102 aujourd'hui.

Le recul de l'aversion pour le risque et des annonces de nouvelles initiatives au niveau politique devraient conduire à un nouvel épisode d'affaiblissement du yen.

Ces différents facteurs devraient contribuer à l'amélioration des prévisions bénéficiaires, qui bénéficieront également d'un coup de pouce de 3 points de pourcentage en 2016, du fait de la diminution de l'impôt des sociétés, de réductions des charges spéciales (restructuration et dépréciation des actifs), de la poursuite des rachats d'actions et d'une légère amélioration des exportations.

L'administration Abe devrait faire plusieurs annonces dans les prochains mois afin de donner un nouveau souffle à l'économie japonaise : après avoir avancé les dépenses budgétaires et reporté à 2019 l'augmentation de la TVA prévue pour 2017, des budgets supplémentaires sont en train d'être dégagés et les réformes structurelles se poursuivront. Enfin, les valorisations sont séduisantes, avec un C/B prévisionnel légèrement supérieur à 13 fois.

 

"Positionnement neutre à l'égard des actions US : un potentiel haussier limité alors que le cycle atteint un stade mature"

La plongée des cours pétroliers et l'appréciation du dollar américain ne devraient plus tellement peser sur le climat, les premiers étant revenus à leurs niveaux de l'automne dernier et le second évoluant dans une fourchette depuis le printemps dernier. Il n'est dès lors pas surprenant que les révisions nettes du consensus se soient récemment révélées positives, grâce également à la dissipation des craintes à l'égard d'une récession.

Le premier trimestre 2016 aura à notre avis vu la phase la plus défavorable du cycle bénéficiaire et les bénéfices remonteront probablement en territoire positif au second semestre, avant de s'accélérer quelque peu en 2017. Cette accélération devrait cependant rester à un chiffre, en raison d'un manque de pouvoir de fixation des prix et de l'intensification des pressions sur les marges.

La montée des pressions sur les marges bénéficiaires des entreprises conjuguée à des valorisations élevées et à une perte de leadership alors que la Fed cherche à relever ses taux directeurs nous incitent à adopter un positionnement neutre à l'égard des actions américaines.

Enfin, le réendettement des bilans des entreprises ces dernières années entrave leur capacité à se montrer aussi généreuses sur les rachats d'actions à l'avenir.

 

"Maintien d'un positionnement neutre après le Brexit"

La chute de 11% de la livre sterling face au dollar US et à l'euro dope les perspectives bénéficiaires, par le biais des effets de transaction et de change sur les résultats, 70% des ventes étant générées en dehors du Royaume-Uni. Néanmoins, 30% de ces revenus sont issus de l'univers émergent, où les prévisions demeurent très incertaines. Pour les 30% de ventes qui sont domestiques, les perspectives ont été ternies par le vote sur le Brexit, ce qui pénalisera la croissance économique domestique.

Compte tenu du degré d'incertitude relatif au processus du Brexit, une prime de risque politique est nécessaire.

Etant donné que le C/B prévisionnel est proche de 15 fois, les actions britanniques affichent clairement des valorisations parmi les plus onéreuses des dix dernières années. Elles se négocient avec une prime par rapport au reste du monde, ce qui est relativement rare. 

"Positionnement toujours neutre, les facteurs d'incertitude abondent"

La première raison du maintien d'un positionnement neutre réside dans les perspectives macroéconomiques incertaines, bien reflétées dans les surprises économiques, dont le profil est moins bon que pour les marchés développés, et dans les PMI de la Chine qui naviguent autour de la ligne d'expansion/de contraction de 50.

Nous notons également que les rétrogradations de note sur la dette émergente sont à leur plus mauvais niveau depuis 6 ans, tout comme le nombre d'émetteurs sous la menace de rétrogradations par Standard & Poor's.

Une deuxième raison est qu'il est fort probable que de nouvelles impulsions des prix des matières premières se fassent plus rares. L'augmentation de l'aversion pour le risque telle qu'exprimée par le renforcement du dollar US est une troisième raison. Les valorisations sont pour leur part soit en ligne avec la moyenne à 10 ans si l'on considère le C/B prévisionnel à 12 mois de 11,5 fois, soit raisonnablement intéressantes si l'on examine le ratio cours/valeur comptable, qui s'établit à 1,4 fois.

Enfin, nous voudrions voir une stabilisation des prévisions bénéficiaires avant de chercher à revoir notre opinion à la hausse.

 

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