#Stratégie d'investissement — 05.02.2018

Marchés actions : où se trouve le potentiel haussier le plus attrayant ?

Roger Keller

Alors que la croissance mondiale devrait enregistrer un pic en 2018, les marchés boursiers pro-cycliques conservent notre préférence.

Actions américaines : de nouveaux plus hauts record sont attendus mais nous conservons un positionnement neutre car d'autres marchés présentent de meilleures opportunités

Le PER de Shiller affiche en ce moment des niveaux encore plus élevés qu'en 1929 ! Les actions américaines n'ont jamais enregistré de valorisations aussi élevées, hormis lors de la bulle technologique.

Tous les indicateurs de valorisation convergent clairement vers la même conclusion, à savoir que les valeurs américaines sont onéreuses. Les bienfaits des baisses d'impôts ont déjà été largement intégrés dans les cours. Malgré tout, nous pensons que les actions américaines peuvent encore atteindre de nouveaux plus hauts historiques, à la faveur d'une croissance solide des bénéfices : en effet, les réductions d'impôts gonfleront les bénéfices de 7 points de pourcentage en 2018 et les rapatriements de bénéfices se traduiront certainement par une accélération de l'activité déjà soutenue de rachats d'actions et de fusions-acquisitions.

En termes de croissance du bénéfice opérationnel, les perspectives sont encourageantes dans la mesure où la croissance du volume de ventes s'accompagnera du retour d'un certain pouvoir de fixation des prix. L'affaiblissement du dollar est un autre aspect positif s'ajoutant aux perspectives de croissance bénéficiaire favorables. Les marges pourraient toutefois être plombées par la hausse des coûts salariaux. Au-delà des valorisations, les autres raisons plaidant pour des performances plus intéressantes du côté d'autres marchés plus cycliques sont leurs niveaux de bêta plus élevés dans un contexte de confiance accrue, et la promesse de trois nouvelles hausses des taux par la Fed, alors qu'aucun resserrement n'est prévu dans la zone euro et au Japon.

Actions de la zone euro : des fondamentaux robustes devraient permettre des gains supérieurs à la moyenne

Au cours des derniers trimestres, l'amélioration notable de la situation économique de la zone euro s'est traduite par une appréciation de 10% de l'euro en termes pondérés des échanges commerciaux, freinant l'évolution du marché actions de la région. La monnaie devrait désormais rester stable, si bien que le marché boursier devrait être en mesure de refléter des facteurs fondamentaux robustes. Le premier de ces facteurs a trait aux perspectives de croissance bénéficiaire. La vigueur de la demande domestique et des tendances liées à l'exportation, conjuguée à un levier d'exploitation élevé, laissent présager d'une croissance des bénéfices de 10%, sinon plus. Non seulement les volumes montrent une orientation favorable, mais le pouvoir de fixation des prix des entreprises fait également son retour. Les perspectives de bénéfices sont en outre renforcées par la possibilité d'assister à une augmentation du levier financier et au maintien d'une activité de rachats d'actions soutenue. Le deuxième atout réside dans la part élevée que représentent les valeurs financières sur le marché actions de la zone euro – 21% – dans un contexte de hausse des rendements obligataires. Enfin, les valorisations ont une incidence positive en se situant soit autour des moyennes à long terme (PER ou cours/valeur comptable), soit à des niveaux attrayants, à l'image d'un rendement du dividende de 2,9% alors que le rendement obligataire à 10 ans est nettement inférieur à 1%.

Opinion positive sur le Japon

La demande domestique ainsi que les tendances liées à l'exportation sont vigoureuses, et les mesures de politique monétaire de la Banque du Japon devraient rester favorables. Les actions japonaises bénéficient ainsi d'un environnement propice. Les tendances positives observées au niveau de la gouvernance des entreprises restent toutefois le principal attrait du Japon. Les efforts en faveur des actionnaires se sont traduits ces dernières années par une augmentation notable du rendement des capitaux propres. La tendance devrait se poursuivre, car l'amélioration de la gouvernance d'entreprise reste une priorité. Cette amélioration prendra la forme, entre autres, de la persistance de rachats d'actions soutenus et d'une hausse des ratios de distribution de dividendes, actuellement parmi les plus bas des économies développées. Tous ces éléments permettront aux valorisations de progresser. Ces dernières affichent encore des niveaux modérés, que ce soit en termes absolus sur les dernières décennies, ou en termes relatifs sur le plan international. Les actions japonaises se caractérisent par un levier d'exploitation élevé. A ce stade du cycle, c'est un avantage décisif. Les investisseurs, en particulier les investisseurs étrangers, continuent de sous-pondérer le pays ; il faut donc s'attendre à des entrées de capitaux dans les mois à venir, sur fond d'environnement macroéconomique mondial toujours solide.

Position neutre sur le Royaume-Uni, compte tenu d'une croissance bénéficiaire médiocre

Les valorisations des actions britanniques sont attrayantes. Elles offrent un rendement du dividende de 4% et se négocient à des ratios cours/valeur comptable et PER corrigés des variations cycliques peu élevés. Le rendement médiocre des capitaux propres explique en partie ces niveaux de valorisation. Les perspectives ternes de croissance bénéficiaire constituent la principale raison. Elles se situent autour de 5% parce que les valeurs britanniques sont moins cycliques, l'économie domestique marque le pas (30% du marché), les valeurs financières (22% de l'indice) sont confrontées à un avenir incertain du fait du Brexit et notre opinion sur le secteur des matériaux (11% de l'indice) est neutre.

La Suisse est relativement attrayante mais des valorisations élevées nous incitent à conserver une exposition neutre

La Suisse dispose, si l'on en croit le consensus, de l'un des plus forts potentiels de croissance bénéficiaire. C'est en partie le résultat de la dépréciation du franc. Depuis début 2017, la monnaie a perdu plus de 4% en termes pondérés des échanges commerciaux. Les perspectives positives de croissance des bénéfices découlent toutefois essentiellement de la vigueur de l'activité économique. Les entreprises suisses sont les premières bénéficiaires d'une conjoncture mondiale favorable, étant donné que plus de 90% des ventes concernent des pays étrangers. Le potentiel haussier des actions suisses est malheureusement limité par le niveau élevé des valorisations. En particulier, le PER des actions suisses par rapport au reste du monde est au plus haut depuis au moins 1990, et leur ratio cours/valeur comptable affiche une prime de 20% par rapport au marché actions mondial, dans la partie supérieure de la fourchette observée ces vingt-cinq dernières années. Nous en concluons que le potentiel de hausse des actions suisses n’est probablement pas aussi élevé que celui des marchés actions de l'UE et du Japon, mais probablement aussi bon que celui des valeurs américaines.

Marchés émergents : opinion globale neutre mais positive s'agissant de l'Asie

Sur le moyen à long terme, les marchés actions émergents sont l'investissement à privilégier. Leurs perspectives de croissance du PIB représentent plus de deux fois celles des pays développés, ce qui constitue un terreau favorable à la croissance bénéficiaire. Les valorisations sont un autre facteur en faveur de la conjoncture positive à moyen terme, d'autant plus que la part de la technologie dans les indices est de plus en plus importante. Un point d'inflexion majeur a été observé l'an dernier au niveau du rendement des capitaux propres. En effet, son renversement à la hausse par rapport à celui des pays développés a signalé une redistribution des cartes : la performance relative des marchés émergents s'est améliorée dans le même temps. Les améliorations du rendement des capitaux propres devraient se propager à d'autres secteurs que l'informatique, les matériaux et l'énergie. Pour finir, le dollar américain devrait afficher une tendance fragile dans les années à venir, du fait notamment des déficits « jumeaux » ; une telle tendance sera favorable aux actions des marchés émergents. A court terme, toutefois, notre positionnement est neutre. L'augmentation des rendements des obligations représente un frein. La contrainte à court terme la plus importante réside cependant dans le ralentissement de la croissance en Chine. En l'absence de signes de stabilisation de cette décélération, les marchés sont vulnérables du fait des niveaux de surachat. L'Asie – la Chine et l'Inde en particulier – conserve notre préférence.

Les marchés de la zone euro, du Japon et de l'Asie émergente sont bien positionnés pour dégager des rendements supérieurs à la moyenne, à la faveur de leur sensibilité importante aux perspectives positives qu'offre l'économie mondiale.