Suisse – Le point sur la situation deux ans après et les perspectives
Alors que la Banque nationale suisse (BNS) a abandonné son cours de change plancher depuis deux ans déjà, nous évaluons l'état de l’économie helvétique, si une sortie de la déflation est en vue, si le franc suisse est toujours surévalué et quand la BNS pourrait commencer à changer de cap politique.

Maintien sur la voie de la reprise et sortie de la déflation
Les perspectives économiques sont favorables. Le baromètre économique du KOF – l’un des indicateurs les plus suivis – a fortement progressé et atteint un sommet depuis la fin 2013, s’établissant nettement au-dessus de sa moyenne à long terme. L’indice PMI manufacturier a sensiblement augmenté, passant de 54,6 à 57,8 points, pour retrouver ses niveaux de mai 2011. La confiance des consommateurs est à son plus haut depuis la mi-2014.
La Banque nationale suisse a néanmoins maintenu sa politique monétaire expansionniste inchangée lors de sa réunion du 16 mars, estimant que le franc suisse est « toujours nettement surévalué ». « Le taux d’intérêt négatif et la disposition de la Banque nationale à intervenir sur le marché des changes visent à rendre les placements en francs moins attrayants et, partant, à réduire les pressions sur le franc ». Dans son scénario de base, elle anticipe une croissance du PIB de 1,5% en 2017 et un retour de l’inflation (0,3%).
La BNS décèle en outre des risques considérables, notamment en relation avec l’orientation que prendra la politique économique aux Etats-Unis, les élections en Europe et les négociations complexes concernant le Brexit. Nous n’avons aucune raison de ne pas souscrire à l’opinion selon laquelle la Suisse devrait poursuivre sur la voie d’une reprise modérée – 70% de son activité étant liée au commerce extérieur et la demande intérieure profitant des tendances à l’œuvre sur le marché de l’emploi et de la croissance démographique – et sortir de la déflation.
La BNS devrait maintenir durablement le statu quo au vu de la diminution graduelle de la surévaluation du CHF
Avec le temps, divers risques politiques devraient s’atténuer et le franc suisse serait alors en mesure de se défaire d’une partie de sa surévaluation. Au regard du rythme probablement lent de ce processus, la BNS sera extrêmement patiente. Elle est peu susceptible de modifier sa politique dans un avenir proche, en particulier parce que l’inflation tend à se maintenir à de très faibles niveaux.
Notre raisonnement repose également sur nos prévisions concernant les futures actions de la Banque centrale européenne (BCE). La BCE devrait selon nous annoncer une nouvelle réduction de son programme d’achats mensuels d’obligations à l’automne, puisque les risques de déflation disparaissent, et y mettre un terme en juin ou septembre 2018. S’agissant des taux d’intérêt, la BCE pourrait commencer à relever le taux de dépôt (actuellement à -0,4%) de 10 points de base en septembre, pour le porter progressivement à 0% d’ici décembre 2018. En conclusion, nous nous attendons à ce que BNS maintienne durablement le statu quo.
L’économie helvétique poursuivra sur la voie de la reprise et sortira peu à peu de la déflation. Au vu des nombreuses questions politiques ouvertes à l’échelle internationale, la surévaluation du franc suisse ne diminuera que lentement. La BNS maintiendra dès lors le statu quo durant un certain temps.
Retour en arrière
Le 15 janvier 2015, la Banque nationale suisse a surpris le monde entier en décidant de supprimer le cours de change plancher de 1,20 entre l’EUR et le CHF (en vigueur depuis septembre 2011) et d’abaisser le taux d’intérêt sur les dépôts à vue à -0,75%. Sous l’effet de ces mesures, le franc suisse s’est envolé de presque 20% face à l’euro, les actions suisses ont cédé près de 9% et les rendements des emprunts d’Etat à 10 ans ont plongé en territoire négatif. Le taux de croissance du PIB helvétique a chuté, passant de 2% en 2014 à 0,8% en 2015. Le secteur manufacturier, le commerce de détail et le tourisme ont été les secteurs les plus durement touchés.
Depuis lors, l’activité économique a été plus soutenue qu’initialement craint, le PIB enregistrant une hausse de 1,3% en 2016 grâce aux investissements, aux exportations et aux dépenses publiques. Le taux de change effectif, qui tient compte de tous les partenaires commerciaux et a montré que le CHF s’appréciait moins fortement que par rapport à l’euro, constitue l’une des raisons majeures à l’origine de la robustesse conjoncturelle plus marquée que prévu par de nombreux économistes et investisseurs.
Dans sa dernière revue annuelle de l’économie suisse publiée en décembre 2016, le FMI a constaté que : « les politiques adoptées ces dernières années ont soutenu la reprise et atténué les risques. L’approche duale de la politique monétaire – associant taux d’intérêt négatifs et achats de devises – ainsi que le soutien de la politique budgétaire ont permis d’éviter une déflation durable, un ralentissement prolongé de l’économie et une hausse du taux de chômage suite à l’abandon du cours de change plancher. » De toute évidence, ces politiques ont limité les risques baissiers et contribué à réduire la déflation de 1,1% en 2015 à 0,4% en 2016.