#Stratégie d'investissement — 16.03.2017

Marchés actions : un potentiel haussier sur 12 mois

Roger Keller

Au-delà des trois prochains mois, au cours desquels nous prévoyons une consolidation des marchés actions après une augmentation de 16% sur les 12 derniers mois, le marché haussier devrait se poursuivre. Le marché actions américain devrait continuer à atteindre de nouveaux records, mais les esprits animaux favoriseront probablement ceux qui sont pro-cycliques, c’est-à-dire la zone euro et le Japon.

Etats-Unis : au vu du potentiel haussier à moyen terme qui devient limité, nous restons neutres

 

Au vu des nouveaux records atteints récemment par le S&P500, les investisseurs sont de plus en plus nombreux à s'inquiéter des valorisations. Il est clair que ces dernières sont élevées en comparaison historique, que l’on examine les PER dans leurs différentes déclinaisons (médians, corrigés des variations cycliques, glissants ou prévisionnels) ou les ratios cours/chiffre d'affaires, cours/valeur comptable... Mais les valorisations ne constituent pas un bon indicateur des tendances à un horizon de 12 à 15 mois, même si elles contribuent à mesurer l’amplitude potentielle des mouvements de cours. 

Les vecteurs les plus importants à ce stade avancé du marché haussier sont les fondamentaux macroéconomiques et des entreprises. Si ceux-ci sont favorables ou s’améliorent, comme nous le pensons, les valorisations élevées pourront alors continuer à bénéficier d’un très bon soutien. Avec une croissance des revenus de 5%, une prévision de croissance bénéficiaire à 8% nous semble raisonnable, grâce au levier opérationnel, aux contributions positives des secteurs énergétique et financier et en dépit des pressions croissantes sur les marges du fait d'une accélération de la croissance salariale; il est possible que le chiffre soit plus élevé en fonction des mesures fiscales.

A partir de ces considérations, nous estimons qu’il existe une possibilité d'atteindre de nouveaux records au-delà du court terme. Toutefois, la progression, en termes de pourcentage, devient limitée en raison des valorisations, de la perspective de plusieurs augmentations des taux de la Fed au cours des 12 à 15 prochains mois et de la situation du surachat actuelle.

 

La croissance bénéficiaire du S&P500 devrait s’accélérer, d'après l’indice PMI manufacturier de l'ISM

Source: Thomson Reuters Datastream, janv. 17

Zone euro: un investissement privilégié, en raison de son profil pro-cyclique

 

En dépit d’indicateurs avancés très solides, de tendances favorables au niveau des ventes et des bénéfices, les actions de la zone euro continuent de décevoir. A notre sens, cela s'explique par l'agenda politique chargé dans la région en 2017, et par le fort soutien dont bénéficient les partis populistes. Nous pensons que les craintes des investisseurs s’avéreront exagérées et que les fondamentaux s’imposeront de nouveau progressivement. 

La saison de publication des résultats a envoyé des signaux favorables: les deux tiers des entreprises ont fait état d'un chiffre d'affaires meilleur que prévu et la moitié d’entre elles ont affiché des résultats bénéficiaires plus élevés qu'escompté. Ceci mérite d’être noté car, pour une fois, les prévisions consensuelles n'ont pas été revues à la baisse avant le début de la saison. La dynamique des résultats devrait s'améliorer à l'avenir, étant donné leur forte sensibilité à une légère amélioration du chiffre d'affaires. Outre ce levier opérationnel, les bénéfices au niveau du marché devraient profiter d'un retournement de tendance au niveau des perspectives des secteurs financier et des matières premières. L’activité de rachat d’actions pourrait se renforcer, après être restée à la traîne par rapport aux Etats-Unis et au Japon. 

La combinaison de perspectives bénéficiaires favorables et de valorisations intéressantes (CAPE, ratio cours/valeur comptable ou P/B, rendement du dividende et par rapport aux obligations) devrait permettre aux marchés actions de la zone euro de générer des rendements supérieurs à la moyenne.

 

Un redressement du rendement des fonds propres (ROE) rend possible une réévaluation

Source: Thomson Reuters Datastream, 26/01/2017 – Indices DataStream

Etant donné que l'Allemagne bénéficie de conditions monétaires trop accommodantes pour ses propres fondamentaux, les tendances de la demande intérieure sont solides. Compte tenu de sa forte cyclicité et de son exposition aux pays émergents, c'est un marché qui devrait continuer à surperformer au sein de la zone. Sa valorisation est attrayante (mais il est vrai qu'elle le doit surtout à la solide augmentation des bénéfices observée au cours des deux dernières années).

Positionnement positif sur le Japon

Les perspectives économiques japonaises semblent favorables lorsqu'on observe la forte amélioration de la masse monétaire M1 réelle – qui devance généralement la croissance du PIB réel de 6 mois – et le PMI composite du pays. Dans le cadre de la politique de contrôle de la courbe des rendements menée par la BoJ, les rendements réels des obligations devraient continuer à chuter, les prévisions d'inflation devraient augmenter et par conséquent, le yen devrait s'affaiblir, permettant aux actions japonaises de progresser étant donné leur relation étroite avec la tendance monétaire. 

En outre, la relance mondiale est un grand avantage pour le Japon, car de tous les marchés que nous suivons, ce pays possède la plus grande concentration de valeurs cycliques dans son indice, et il bénéficie d’un fort levier opérationnel, comme en atteste la bonne corrélation avec l'augmentation des rendements obligataires. Rien de surprenant dès lors à ce qu'au sein des grandes régions, ce soit le Japon qui bénéficie des meilleures révisions d’estimations bénéficiaires. Elles resteront par ailleurs fortement soutenues par la poursuite de l'activité de rachat d’actions. 

Les valorisations demeurent attrayantes, avec un PER relatif proche de son plus bas niveau depuis 1990, et un ratio cours/valeur comptable qui ne reflète pas l’amélioration du ROE des sociétés. Enfin, la moyenne mobile sur 200 jours a inversé sa tendance depuis décembre; elle est maintenant de nouveau en hausse.

Royaume-Uni: maintien d'un positionnement neutre

La résilience affichée par le Royaume-Uni depuis le vote du Brexit cède la place à un ralentissement progressif de la demande intérieure. Les indices PMI ont commencé à se détériorer, les ventes au détail subissent les conséquences négatives de la hausse de l’inflation et les incertitudes liées au divorce d'avec l'UE pèsent sur les projets d’investissement. Theresa May devrait invoquer l’article 50 du Traité de Lisbonne ce mois-ci, déclenchant ainsi le processus de sortie de l’UE. Ces évolutions pèseront avant tout sur les secteurs domestiques. 

Le secteur financier comptera également parmi les premières victimes des incertitudes liées au Brexit. Seuls les exportateurs profiteront de cet environnement, et en particulier de l’affaiblissement de la livre sterling. Plus de 70% du chiffre d’affaires des entreprises du Royaume-Uni est généré hors du pays. On pourrait donc en conclure que la situation rend le marché actions britannique extrêmement attrayant, étant donné que la devise a perdu plus de 15% sur une base pondérée des échanges commerciaux depuis le début de l’année 2016. Or, des secteurs tels que l’industrie ou les matériaux reflètent déjà ce gain de compétitivité. En outre, à l’avenir, la devise devrait regagner une partie du terrain cédé. 

Enfin, le caractère défensif du marché actions britannique n’est pas un atout à l’heure où les investisseurs se tournent de plus en plus vers les marchés qui tirent parti de la relance mondiale. Heureusement, grâce à un rendement du dividende de 4% et à un ratio cours/valeurs comptables modéré, les actions du Royaume-Uni bénéficient d’un bon soutien. En conclusion, les actions du Royaume-Uni n’offrent qu’un potentiel haussier limité en 2017. Nous conservons un positionnement neutre.

Marchés émergents: maintien d'un positionnement neutre

Le contexte macroéconomique est actuellement assez favorable, avec des indicateurs avancés qui pointent vers une meilleure activité économique dans les prochains mois et de bonnes surprises économiques qui atteignent des niveaux jamais observés depuis 2009, ce qui amène à se demander à quel moment la tendance s’inversera. D’ici la moitié de l’année, l’activité pourrait ralentir à mesure que l’impact de la hausse des cours des matières premières sur la croissance des exportations s'atténuera, que les effets de base positifs se dissiperont, que le secteur du logement ralentira en Chine (et que l'augmentation de la taxe à l'achat pèsera sur les ventes d’automobiles) et que les taux des fonds fédéraux/des rendements obligataires augmenteront. Toutefois, globalement, la tendance s’oriente vers une accélération de la croissance en 2017, ainsi qu’en 2018. Une croissance des revenus plus solide devrait permettre une amélioration du ROE, qui s’est stabilisé depuis le milieu de l’année 2016, après cinq années de baisse. La croissance bénéficiaire est soutenue par les secteurs des matières premières, en particulier celui des matériaux, mais à l’avenir, ce sera davantage l'accélération de la croissance globale des revenus qui garantira la poursuite d'une tendance positive. 

Ces perspectives s'accompagnent de ratios de valorisation légèrement inférieurs à leurs moyennes à long terme. Les marchés émergents ont ainsi le potentiel de générer des rendements similaires à ceux qui sont attendus des marchés développés. En raison de la tendance des premiers à sous-performer lorsque la Réserve fédérale augmente les taux d’intérêt, lorsque le dollar se renforce et lorsque les rendements obligataires augmentent, et étant donné le degré d’incertitude élevé entourant l’évolution des politiques commerciales aux Etats-Unis, nous conservons pour l’instant notre position neutre. La situation de surachat favorise également cette position. Nous conservons notre préférence pour l’Asie et misons sur le potentiel de croissance de pays tels que l'Inde, une tendance favorable au niveau de la demande des pays développés dont beaucoup de pays asiatiques bénéficient et les perspectives séduisantes de la Chine à long terme.