Les entreprises sont-elles plus sûres que les États ?
Traditionnellement, le prix des obligations d’entreprises de qualité se calcule par référence au rendement des obligations souveraines, auquel s’ajoute une prime de risque pour refléter la probabilité de défaut. Aujourd’hui, les spreads des obligations Investment Grade notées BBB se sont resserrés à des niveaux historiquement bas, inférieurs à 1 % par rapport aux titres souverains équivalents aux États-Unis et dans la zone euro.
Ce resserrement traduit à la fois i) la recherche désespérée de rendement des investisseurs dans un contexte de taux de dépôts en baisse, et ii) la solidité des bilans et des flux de trésorerie des grands emprunteurs corporates. Mais il reflète peut-être aussi le fait que les États-Unis et la zone euro n’apparaissent plus aussi “sans risque” qu’autrefois, compte tenu des niveaux records de dette publique rapportés au PIB.
À titre d’exemple, une obligation Microsoft à 30 ans (notée AAA) offre aujourd’hui un rendement de 4,8 %, soit seulement 0,2 % de plus qu’une obligation du Trésor américain de même maturité. De nombreux investisseurs pourraient préférer prêter à Microsoft plutôt qu’au gouvernement fédéral américain, au vu de son historique de croissance des bénéfices, de sa position quasi monopolistique sur les systèmes d’exploitation et suites bureautiques, et de sa trésorerie nette.
Microsoft est-il désormais perçu comme un emprunteur à long terme plus sûr que l’État américain ? Alors que les gouvernements peinent à financer leurs budgets annuels dans un contexte de coûts d’emprunt plus élevés, entrons-nous dans une ère où les obligations d’entreprises de qualité se négocieront durablement avec des spreads serrés par rapport aux souverains ?
La BCE devrait rester à 2 % malgré une inflation maîtrisée
La BCE devrait maintenir son taux de dépôt à 2 %, malgré une inflation maîtrisée. Ce niveau correspond à un taux réel (après déduction de l'inflation) proche de zéro, alors qu’un taux neutre impliquerait un taux réel équivalent à la croissance du PIB réel de la zone euro, estimée à 1,2 %-1,3 % pour 2025 et 2026. Selon ses propres estimations, la BCE a déjà abaissé ses taux en dessous du niveau neutre, soutenant ainsi la croissance.
À titre de comparaison, le taux des Fed Funds s’établit à 4,1 % et celui de la Banque d’Angleterre à 4 %. Même corrigés de l’inflation, les taux réels américains et britanniques restent positifs, ce qui signifie que la BCE agit davantage pour stimuler l’économie que ses homologues.
Cependant, la croissance en zone euro demeure faible, un euro plus fort pesant à la fois sur l’activité et l’inflation. Cette dernière pourrait passer sous 2 % dans les prochains mois, surtout si les prix de l’énergie continuent de reculer. Dans ce contexte, la BCE pourrait envisager de nouvelles baisses de taux sans risque inflationniste.
Pour l’heure, nous n’anticipons pas de réduction supplémentaire, sauf en cas de ralentissement marqué. La BCE privilégie une approche attentiste, compte tenu du délai de transmission des taux à l’économie réelle, qui peut atteindre 12 à 18 mois. Elle estime que les effets des baisses déjà opérées ne se sont pas encore pleinement matérialisés sur la croissance de la zone euro.
Il s'agit de dynamique...
Portés par une dynamique impressionnante, les marchés boursiers mondiaux poursuivent leur envolée. Wall Street enregistre son 28ᵉ record cette année, tandis que les places financières de Chine, du Japon, des pays émergents et même d’Europe s’inscrivent dans une tendance résolument haussière. Cette progression s’appuie sur la résilience inattendue de l’économie américaine, des résultats d’entreprises robustes et une politique monétaire toujours favorable. Dans ce contexte, le sentiment dominant est celui d’un marché ayant atteint une phase d’euphorie propulsée par des moteurs économiques puissants. Face à cette dynamique, nous ajustons notre positionnement stratégique en rehaussant notre recommandation sur les actions à surpondérer.
… et non de fondamentaux (à long terme)
Cela signifie-t-il que nos préoccupations concernant l’impact potentiel des droits de douane ou les dépenses excessives liées à l’IA ont disparu ? Non, elles demeurent. Le scepticisme demeure quant à la capacité réelle de l’IA à générer les gains de productivité annoncés. La question centrale reste la rentabilité des investissements nécessaires à son déploiement à grande échelle, et leur aptitude à justifier les valorisations parfois élevées observées sur les marchés. À court terme, ces inquiétudes semblent reléguées au second plan. Dans un environnement marqué par une faible contrainte de capital et un optimisme persistant autour de l’IA, les dirigeants des géants technologiques poursuivent leurs ambitions sans ralentir.
Et ce, en dépit des interrogations sur le retour sur investissement que ces dépenses pourraient engendrer. Cette dynamique est d’autant plus soutenue par les effets de l’OBBBA (Optimal Bonus-Based Business Amortization Act), qui favorise les dépenses d’investissement en permettant aux entreprises d’amortir immédiatement les coûts liés aux machines, aux équipements et à la R&D domestique.
Ne combattez pas la Fed!
L’économie américaine semble, pour l’heure, faire fi des signaux d’alerte liés aux tarifs douaniers et au ralentissement du marché du travail. Dans ce contexte, la Réserve fédérale amorce une nouvelle phase d’assouplissement monétaire, avec désormais deux baisses de taux prévues en 2025 — contre une initialement — et deux autres en 2026. Ce soutien supplémentaire intervient alors que les conditions financières restent déjà très favorables. L’analyse historique renforce cette perspective : les baisses de taux en dehors d’une récession ont toujours agi comme catalyseur qui a tiré à la hausse les marchés actions. Nos experts en stratégie de change ont par ailleurs relevé leur objectif EUR/USD à 1,24 sur 12 mois, ce qui devrait soutenir la croissance des bénéfices des grandes capitalisations américaines, notamment dans le secteur technologique.
Dans ce contexte, la recommandation sur les actions américaines est relevée à Neutre, en envisageant d’opter pour une exposition couverte en devises, compte tenu du positionnement sur le dollar.
Maintenir le cap en Europe, mais de manière un peu moins agressive
Après un début d’année exceptionnel, les actions européennes sont entrées dans une phase de consolidation durant l’été. Selon nous, cela s’explique par deux facteurs majeurs. Tout d’abord, la vigueur persistante de l’euro a pesé sur les prévisions de bénéfices, révisées à -1 % de croissance du BPA pour 2025 (contre +8 % en janvier). Cet impact n’a pas été uniforme : les bénéfices des entreprises exposées aux États-Unis ont été révisés à la baisse de 10 à 15 %, tandis que ceux des entreprises à exposition domestique ont continué à croître. Ensuite, le marché semble être entré dans une phase d’attente concernant l’augmentation des dépenses.
En regardant vers 2026, une croissance plus forte du PIB européen devrait soutenir les bénéfices, bien que les vents contraires liés aux devises persistent. L’attente actuelle d’une croissance des bénéfices d’environ 12 % nous semble trop élevée, ce qui rend probable des révisions à la baisse. Comme nous ne pensons pas que l’Europe puisse surperformer à l’avenir, nous abaissons notre recommandation sur l’Europe à Neutre. Toutefois si on regarde les secteurs et régions du Vieux Continent, nous continuons de privilégier une exposition d’une part au thème de la souveraineté européenne, aux actions domestiques (notamment les petites et moyennes capitalisations) ainsi que certains secteurs comme les banques d’autre part.
Les marchés émergents bénéficient de vents favorables
Nous réitérons notre recommandation de surpondération sur les marchés émergents. À l’avenir, nous pensons que le rallye des actions de ces régions peut se prolonger jusqu’à la fin de l’année, soutenu par des facteurs macroéconomiques tels que les baisses de taux de la Fed et la faiblesse du dollar. Les tendances de positionnement et de flux restent favorables, portées par une forte demande de diversification et une saisonnalité positive des performances au quatrième trimestre.
Le Japon en force
Nous réitérons également notre recommandation de surpondération sur les actions japonaises. Nous identifions plusieurs facteurs qui devraient continuer à soutenir le marché : une économie mondiale constructive, une reprise de l’économie japonaise portée par des forces externes et internes (par exemple la croissance des salaires), des bénéfices d’entreprise solides et des réformes en cours.
Un message clé
Le risque de voir se répéter les excès de la dernière phase haussière du marché des « dot.com » — cette bulle Internet qui avait enflammé les marchés à la fin des années 1990 — est bien réel. Plutôt que de s’opposer à cette dynamique, nous choisissons de l’accompagner en augmentant notre allocation en actions à Surpondérer. Nous mettons donc l’accent sur le message principal : le marché haussier est bel et bien installé et dynamique.
Selon la dernière enquête de Goldman Sachs auprès des family offices mondiaux, ces investisseurs n’allouent que 1 % de leurs portefeuilles aux matières premières, contre 12 % en liquidités et 11 % en obligations et crédit corporate.
Malgré une solide performance en 2025
Cette solide performance surprend pour deux raisons : la classe d’actifs des matières premières s’est distinguée en 2025, mais aussi sur l’ensemble des cinq dernières années. L’indice S&P GSCI égal-pondéré a progressé de 15 % en dollars cette année et a doublé en cinq ans (soit 15 % de rendement annuel moyen).
Les métaux précieux (or, argent, platine) dominent avec des gains de 44 % à 80 %, tandis que des métaux stratégiques comme le cuivre (+20 %) et l’étain (+26 %) profitent d’une demande technologique soutenue et d’une offre limitée. D’autres matières premières, comme le bétail et le café, affichent également de fortes hausses.
Les matières premières peuvent jouer un rôle important dans un portefeuille bien diversifié
Aujourd'hui, il est devenu beaucoup plus difficile d'obtenir une véritable diversification dans les portefeuilles d'investissement. Les indices boursiers mondiaux n’ont jamais été aussi concentrés, conséquence de la surperformance des géants technologiques américains comme Nvidia. Tout retournement de ces valeurs aurait un impact lourd sur la performance globale de l’indice MSCI World, où les “7 Magnifiques” représentent plus de 22 % des 1 350 titres.
La diversification des portefeuilles est d’autant plus complexe que la corrélation entre actions et obligations est désormais positive. Selon Amundi, sur 2020-2024, elle varie de +0,44 au Royaume-Uni à +0,62 aux États-Unis, seule la Chine affichant une corrélation négative sur cette période. Autrement dit, actions et obligations évoluent désormais dans le même sens, ce qui réduit le rôle protecteur des obligations en cas de correction boursière, contrairement à la période 2000-2019.
L’exemple de 2022, marqué par l’invasion russe de l’Ukraine, illustre bien ce phénomène : les obligations mondiales ont reculé de 16 % en dollars, tandis que les actions mondiales perdaient 18 %. La diversification était donc inexistante. À l’inverse, l’indice Bloomberg des matières premières a progressé de 16 % sur la même période.
Les matières premières ont des fondamentaux différents
Par nature, les matières premières offrent une diversification entre métaux précieux, énergie, métaux industriels et produits agricoles (denrées alimentaires, coton). Les produits agricoles dépendent fortement du climat et des rendements, tandis que l’énergie et les métaux industriels suivent les cycles économiques mondiaux. Les métaux précieux, notamment l’or, sont considérés comme des valeurs refuges et se distinguent en période de crise ou de tensions géopolitiques.
Les matières premières ont souffert après le dernier super cycle 1999-2008
Les matières premières ont historiquement connu de longs cycles haussiers et baissiers. Le dernier super-cycle, porté par l’essor manufacturier chinois entre 1999 et 2008, a propulsé l’indice S&P GSCI de 580 % (soit 23 % annualisé). Après la crise financière mondiale de 2008, la classe d’actifs a subi un marché baissier prolongé, chutant de 72 % jusqu’en mars 2020.
Depuis, la combinaison d’un boom post-Covid et de l’invasion de l’Ukraine en 2022 a entraîné une hausse de 144 % de l’indice équipondéré S&P GSCI, soit une performance annualisée de 18 %.
Méthodes privilégiées pour introduire des matières premières dans un portefeuille diversifié
Aujourd’hui, plusieurs solutions pertinentes permettent d’ajouter une exposition aux matières premières dans un portefeuille multi-actifs. Nous privilégions les stratégies et indices qui captent le rendement des contrats à terme sur matières premières en situation de backwardation (prix à terme inférieur au prix spot), offrant un potentiel de rendement supplémentaire à mesure que les prix convergent.
Parmi ces solutions, l’indice BNP Paribas Energy & Metals Enhanced Roll affiche un gain de 15 % en euros (18 % en dollars) sur un an. Il se concentre uniquement sur les matières premières en backwardation et détient actuellement de l’or, de l’argent, du gaz naturel, du pétrole et du cuivre.
Une deuxième stratégie plus simple et diversfiée consiste à suivre l’indice éqquipondéré Bloomberg Commodity ex-Agriculture, qui répartit son exposition sur 12 matières premières (énergie, métaux industriels et précieux). Il a progressé de 9 % en euros (15 % en dollars) sur un an. Enfin, plusieurs fonds et ETF permettent de cibler une matière première unique, comme l’or, l’argent, le platine, le cuivre, l’aluminium ou l’étain.