#Investissements — 12.10.2017

Les impacts de la transformation numérique sur le marché boursier

Guillaume Duchesne

Marchés financiers et comités de direction en parlent : la numérisation de l’économie transforme notre société et les entreprises doivent s’adapter.

Après un large impact, souvent médiatisé, sur des secteurs spécifiques comme l’hôtellerie (touchée par l’arrivée de Airbnb) et les taxis (par celle de Uber), la numérisation de l’économie tend maintenant à transformer notre économie plus en profondeur.

Le commerce traditionnel est sous pression avec l’explosion du e-commerce :

  • les distributeurs alimentaires s’inquiètent de l’arrivée d’Amazon sur leur segment d’activité (après le rachat de Whole Foods) ;
  • les banques craignent la cannibalisation de leurs parts de marché par les Fintechs ;
  • les médias doivent adapter leur offre de services ;
  • les constructeurs automobiles voient leur métier évoluer aux grés des innovations des géants de la technologie et du changement de comportement des consommateurs qui en découle.

Bref, de multiples acteurs économiques sont concernés par la transformation numérique, bien plus finalement que les seuls hôteliers et chauffeurs de taxi.

Ces innovations technologiques sont dites de rupture (« disruptive » en anglais). Elles impliquent une dislocation du modèle existant et perturbent donc le marché des entreprises historiques. Joseph Schumpeter avait déjà formalisé ce concept au siècle dernier en parlant de destruction créatrice.

Au stade actuel, comment le marché boursier a-t-il intégré les effets de ces technologies de rupture ?


DE GRANDS GAGNANTS

Cela devient une évidence aujourd’hui, les grands gagnants sont les valeurs technologiques et en particulier les fameuses FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix et Google).  A elles seules, ces cinq valeurs représentent plus de 10% de la capitalisation boursière de l’indice S&P500 et près de 25% de la performance de l’indice depuis le début de l’année.  L’ensemble des valeurs technologiques ont quant-à elles contribué pour près de la moitié de la performance du S&P500 depuis le début de l’année. L’engouement est puissant, souvent justifié par des bénéfices en progression, mais les valorisations du secteur peuvent aujourd’hui inquiéter car relativement tendues (voir à ce titre : Les actions américaine sont-elle si chères ?). Le potentiel de progression des valeurs technologiques semble plus limité à présent.

DE GRANDS PERDANTS 

On en parle moins, mais la numérisation a déjà fait des victimes pour qui la rupture technologique exerce une pression durable sur leur rentabilité future. Au sein de l’indice S&P500, deux catégories d’entreprises se distinguent par leurs piètres performances. D’une part, certaines activités liées à la consommation finale – commerces, grands magasins, médias et distribution alimentaire – ont été pénalisées, soulignant la défiance des investisseurs à l’égard de leur modèle de gestion. Tandis que la plupart des industries sont en haut de cycle de bénéfices et s’échangent aujourd’hui à des niveaux élevés, la décote de ces activités laisse suggérer que les investisseurs ont intégré les effets négatifs de la numérisation.

D’autre part, les valeurs pétrolières ont été également délaissées sur les marchés. Là aussi, l’émergence d’une nouvelle technologie – le pétrole de schiste – explique les difficultés du secteur, mais celles-ci n’ont rien à voir avec la numérisation de l’économie.  

ET JUSQU’A PRESENT, BEAUCOUP DE RESISTANTS

Pour les autres secteurs, les investisseurs ne semblent pas se préoccuper réellement de la perturbation occasionnée par la numérisation de l’économie à ce stade. La vague digitale ne doit pas forcément être un tsunami pour toutes les entreprises. Certaines sont susceptibles d’y résister, car capables de s’adapter au nouvel environnement. Elles peuvent transformer leur mode de fonctionnement et recentrer leur stratégie. Elles peuvent notamment développer leurs activités de e-commerce et intégrer les nouveaux outils technologiques. Certains secteurs d’activité sont par ailleurs protégés par des barrières à l’entrée financières ou réglementaires, souvent difficiles à surmonter pour les nouveaux entrants. Ainsi, les activités industrielles nécessitent l’engagement de coûts fixes élevés. Les soins de santé et le secteur financier sont strictement réglementés.


La numérisation de l’économie n’aurait donc pas des effets aussi dévastateurs pour tout le monde, mais peut-être n’est-ce qu’une question de temps…